Acheteurs publics : (...)

Acheteurs publics : l’absolue nécessité de vérifier l’intégralité des pièces composant une candidature

Le Conseil d’Etat a développé, depuis plusieurs années, une jurisprudence particulièrement difficile à mettre en œuvre pour les acheteurs publics, tendant à considérer qu’une procédure de passation est irrégulière dès lors que le marché est attribué à un candidat ayant présenté une candidature irrecevable (C.E. 11 avril 2012, Sté ODY 1218 NEWLINE du LLOYS de Londres, req. n° 354.652).

Une candidature irrégulièrement retenue est, ainsi, de nature à léser un candidat, quel que soit son classement, dès lors que ce dernier n’a pas lui-même présenté une candidature irrecevable (C.E. 21 septembre 2011, Département de la Haute-Savoie, 350.153).
Les candidats non retenus ont pris conscience de la « puissance de frappe » que constituent ces jurisprudences pour obtenir l’annulation d’une procédure de passation. Il suffit, ainsi, pour la société non retenue d’obtenir communication de la candidature du candidat retenu et de démontrer objectivement que cette candidature ne respecte pas les exigences du Code des marchés publics et/ou le règlement de consultation et qu’à ce titre elle n’aurait pas dû être retenue.

Le candidat non retenu peut, ainsi, pour obtenir l’annulation d’une procédure de passation, décider de vérifier la véracité des informations fournies par le candidat dont l’offre a été retenue. S’il s’avère, après vérification du K-bis du candidat retenu, que le chiffre d’affaires et les moyens humains déclarés sont « gonflés » pour obtenir attribution du marché, la procédure de passation est ainsi annulée par le juge. Le Conseil d’Etat a, par exemple, annulé l’attribution un marché de transferts et déménagements dans laquelle la société retenue avait déclaré, au stade des candidatures, qu’elle réalisait un chiffre d’affaires annuel de 3,7 millions d’euros et qu’elle disposait d’un effectif de 130 salariés et d’une flotte de 48 véhicules. Une société classée, en 3° position, a eu la bonne idée de consulter les sites d’informations commerciales, dont Infogreffe, et a pu constater que la société réalisait, en fait, un chiffre d’affaires de 737.000 e, disposait de 3 salariés, et indiquait dans son bilan une somme de 69.669 e au titre de la valeur du matériel de transport, ce qui ne peut pas correspondre à 48 véhicules (CE 3 octobre 2012, Sté déménagements le Gars-Hauts-de-Seine Déménagements, req. n° 360.952). Constatant que le marché avait été attribué à un candidat ayant fourni de fausses déclarations, le Conseil d’Etat a annulé la procédure.

Le candidat évincé peut également se plaindre du fait que la société retenue n’a pas, au stade des candidatures, clairement précisé l’identité et les années des références énoncées pour caractériser sa compétence à exécuter le marché. Le Code des marchés publics impose, en effet, aux candidats de fournir de telles informations pour démontrer la véracité des références énoncées.

Appliquant à l’extrême les jurisprudences précitées du Conseil d’Etat, les tribunaux administratifs n’hésitent plus, en effet, à annuler ou à résilier des marchés publics, dès lors que le marché a été attribué à un candidat n’ayant pas précisé au stade des candidatures l’année des références énoncées (pour une illustration récente, voir TA de Melun, 12 février 2014, Sté Air Liquide France, req. n° 12- 08109/8).

On comprend aisément le danger que peut représenter, pour les acheteurs publics, la généralisation de cette jurisprudence. La moindre omission dans la validation de la candidature de la société retenue (années des références annoncées, pouvoir d’engager la société, attestations d’assurance,….) peut, ainsi, conduire à l’annulation de la procédure dès lors qu’une société non retenue a la bonne idée d’examiner « à la loupe » la candidature de la société retenue.

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