Entre Head tend la (...)

Entre Head tend la main aux dirigeants dans l’impasse

L’association des "chefs d’entreprise qui aident les chefs d’entreprises" propose une aide gratuite et confidentielle. Avec empathie et sans jugement.

Démoralisé, déboussolé, esseulé. Il n’est pas rare qu’un dirigeant se retrouve un jour dans cette situation. C’est pour cela qu’Entre Head a été créée. "La raison d’être de l’association c’est de rompre l’isolement du chef d’entreprise et de lui redonner des perspectives. On n’a pas vocation à s’occuper des difficultés de l’entreprise mais à s’occuper de l’individu", explique Laurent Tissinié, président de l’association et à l’origine de sa création il y a quelques années. "Ce qui nous intéresse c’est le dirigeant en tant que personne parce qu’on a coutume de dire que c’est lui le moteur et qu’à partir du moment où le moteur se grippe, les difficultés de l’entreprise arrivent", abonde François Sandré, vice-président de l’association. Chef d’entreprise dans l’immobilier, Laurent Tissinié est "sorti de la souffrance" et a eu "envie d’aider à son tour". Fin 2014, après plusieurs départs simultanés, ils se retrouvent à quatre pour faire le travail de huit personnes. Un coup de massue. L’entrepreneur craint alors de ne plus y arriver, de perdre des clients et de devoir "arrêter l’aventure". Il confie même avoir eu des "idées noires". Avant d’oser demander de l’aide.

"Une heure de leur temps"

Laurent Tissinié, président d’Entre Head, a été aidé avant de devenir aidant DR S.G

"C’est ce que j’ai fait en envoyant plusieurs SMS à des amis qui pouvaient consacrer une heure de leur temps pour venir en aide à mon entreprise qui était fragilisée et pour réconforter l’équipe. Chacun a dit oui. Cet élan de solidarité m’a fait chaud au cœur et m’a permis de rebondir. Fort de cette expérience, j’ai décidé quelques années plus tard de créer une association, plus précisément une plateforme d’entraide dans mon secteur d’activité". De cette plateforme est née Entre Head, dont les statuts ont été déposés le 4 mai 2020. Avec la plateforme puis Entre Head, l’équipe, composée aujourd’hui de 70 membres bénévoles (des chefs d’entreprise en activité ou à la retraite, coachs, consultants, thérapeutes) a aidé une vingtaine d’entrepreneurs, tous secteurs confondus. Mais l’association pourrait en aider bien plus. "Selon des études de l’Observatoire Amarok, menées en 2017 et avant la crise de la Covid, 45% des décideurs se sentent isolés, plus d’un dirigeant de TPE/PME sur six est en état d’épuisement professionnel et un à deux dirigeants se suicideraient chaque jour en France", rappelle Dylan Liénart, membre d’Entre Head chargé des partenariats."écoute active"

Pour Laurent Tissinié, "les dirigeants ne sont pas programmés pour demander de l’aide à des associations. Ils estiment qu’ils sont arrivés là à la force du poignet et qu’ils ne peuvent pas se plaindre. Ils peuvent difficilement s’ouvrir à d’autres personnes, leurs salariés ou leur famille. Oser demander de l’aide pour un dirigeant c’est extrêmement difficile parce que ça renvoie à un échec, à une faiblesse". Pourtant, c’est "rarement la faute du dirigeant, c’est souvent à cause de la situation", constate le président d’Entre Head. "On n’est pas seul mais encore faut-il oser demander de l’aide. Il n’y en a pas beaucoup qui osent", poursuit-il. "On se montre réactif dès la prise de contact du dirigeant", assure Laurent Tissinié. "On fait de l’écoute active, dans l’empathie et sans jugement. On les aide à voir les choses autrement". Pour le président d’Entre Head, l’aide bénéficie aussi aux accompagnants, évoquant même un "bonheur d’aider". Aujourd’hui, le réseau d’Entre Head, qui a pour partenaires l’UPE (Union pour l’entreprise) 06 ou encore le GPA (Groupement de prévention agréé) des Alpes-Maritimes, est majoritairement présent dans le département mais s’étend déjà à d’autres (Var, Bouches-du-Rhône, Hérault, Paris…).
Et l’essaimage va se poursuivre.

Expérience vécue : "on m’a aidé à revivre"

Philippe Auda a été "porté" par le soutien d’Entre Head. DR

Philippe Auda est maraîcher dans le Var. Après "une terrible inondation" en novembre 2019, il a cru tout perdre. Il raconte comment Entre Head lui a permis de se relever. "Mon exploitation entière a été engloutie sous 2 mètres 50 d’eau et ce jour-là a été pour moi un véritable effondrement, à la fois de mon outil, de ma trésorerie et, surtout, de mon moral. Heureusement à l’époque j’avais une équipe très soudée qui m’a aidé dans le quotidien. Grâce à un réseau d’amis j’ai été mis en relation avec Laurent Tissinié parce que j’avais vraiment le moral dans les chaussettes.
Cela s’est fait très rapidement, par SMS, et Laurent m’a dit ’Si vous voulez, on peut se voir demain matin
".
"Le lendemain, j’étais autour d’une table avec huit personnes que je ne connaissais pas. On m’a aidé à revivre. Ils m’ont remis en confiance. C’était unique pour moi comme événement, cela m’a porté. En discutant, on a mis en place quelques points de travail dans ma situation. Ce qui a été fantastique, c’est le suivi qu’il y a eu. Chacun des aidants m’a appelé périodiquement pour me demander où j’en étais, comment j’avançais. C’était inattendu pour moi. La quatrième semaine, je n’ai pas eu de coup de fil, du coup c’est moi qui ai appelé !
Cela m’a beaucoup aidé, cela m’a boosté et m’a permis de me reconstruire, même si aujourd’hui mon entreprise a pris une autre évolution parce que j’ai été un peu perturbé par la Covid
".

Comment ça marche ?


François Sandré, vice-président d’Entre Head, énonce les étapes incontournables de l’accompagnement lors d’une visioconférence organisée par l’UPE 06 le 28 avril. Rappel de la méthode.
Un entretien initial de 30 minutes
"Cela commence par un premier entretien, d’une demi-heure, où l’on prend connaissance de la problématique personnelle du dirigeant face à ses difficultés. On essaie de s’assurer qu’on peut y répondre et on essaie de réfléchir à partir de là à quels pourraient être les meilleurs intervenants pour lui".
Un second entretien d’une heure et demie
"Pendant cet entretien on repose le diagnostic des difficultés et on essaie d’identifier la cause de ces difficultés. On parle ensuite avec le chef d’entreprise d’un certain nombre d’objectifs qu’il pourrait mettre en place (…). Et on termine par des recommandations qui, de notre point de vue, lui permettraient de répondre à ses objectifs et d’établir un plan d’action. L’expérience montre qu’après ce type de séance, le dirigeant est régénéré et il arrive à retrouver son propre plan d’action".
Un premier appel 7 jours après
"Nous laissons passer une semaine et ensuite nous reprenons contact avec lui pour voir sa réaction à froid, voir comment il va. Est-ce qu’il a commencé à mettre en place un certain nombre d’actions ?"
Un second appel 30 jours après
"Nous terminons notre processus par un appel à 30 jours où on va s’assurer des perspectives. Et, uniquement si on voit que le dirigeant est remonté sur sa monture, on va essayer d’aborder la question : pourquoi vous êtes-vous retrouvé dans cette situation et pourquoi avez-vous fait appel à Entre Head ? (…) On termine par un échange sur l’importance d’avoir dans son environnement des gens qui ont une capacité de compréhension et non de jugement, qui connaissent les problématiques qu’il vit, c’est-à-dire qu’ils les ont vécues, autant que faire se peut, et enfin, des gens qui s’intéressent, à lui, à sa personne et à sa situation (…). Quand on est dirigeant c’est fondamental d’avoir ce genre de personnes autour de soi".

En une heure et demie, les aidants remobilisent le dirigeant.

Pour se faire aider, ou rejoindre les aidants

Il faut contacter l’association par mail ([email protected]) ou par téléphone (06.09.53.63.63).
Sur son site entre-head.com, elle propose des liens vers d’autres structures d’aide, comme le CIP (Centre d’information et de prévention des difficultés des entreprises) de la CCI Nice Côte d’Azur ou encore l’association APESA France, pour les chefs d’entreprise en réelle détresse psychologique.

deconnecte