Épicerie de Mouans-Sartou

Épicerie de Mouans-Sartoux : Bio, local, social

Dans la revue médicale internationale « The Lancet » du 19 novembre, des chercheurs alertent sur les méfaits des aliments ultra-transformés sur l’organisme (maladies cardiovasculaires, obésité…) et en font une question de santé publique. Sans attendre cette publication, l’épicerie sociale de Mouans-Sartoux a pris un virage citoyen et engagé en proposant notamment des fruits et légumes bio et locaux à ses bénéficiaires. La structure affiche la volonté de supprimer de ses rayons les produits classés E au Nutriscore.

Un lieu de vie

Fathia. ©ME

Comme tous les jeudis après-midi, Fathia récupère sa commande de légumes bio. «  J’adore les légumes, je les cuisine, je fais des gratins pour mon ado. Je congèle, je ne perds jamais rien. » Elle échange une recette d’hiver avec une autre bénéficiaire en attendant son tour. Pendant ce temps, une jeune femme choisit des goûters bio pour son petit garçon. « C’est trop cher le bio normalement : les paquets de huit biscuits c’est 3 euros. Je commande aussi des poires, des pommes, des légumes chaque semaine.  » Elle repart avec un panier qui lui aura coûté une quinzaine d’euros, soit 10 fois moins cher que dans un magasin classique. Les bénévoles s’activent pour achalander l’épicerie, des jeunes volontaires d’un IME (institut médicoéducatif) participent à la mise en rayon dans une ambiance détendue et l’agent communal est installé à la caisse : une routine rassurante pour ceux qui passent par ici.

Un engagement pour le bien-manger

©ME

« Au départ j’étais très éloigné de la philosophie du bien manger et puis j’ai pris conscience que je participais à un système qui n’était pas en accord avec une alimentation équilibrée. Ma philosophie c’était de donner à manger. Je suis travailleur social et mon objectif c’était de réduire le poste de la dépense alimentaire pour qu’ils puissent manger à leur faim et avoir le ventre plein. » Rémy Giorgioni, directeur du pôle précarité du CCAS (Centre communal d’action sociale) de la ville de Mouans-Sartoux a réorganisé la structure en s’appuyant sur les conclusions d’une enquête menée en 2020 par la Mead, Maison d’éducation à l’alimentation durable, qui révélait que le fonctionnement de l’aide alimentaire et son approvisionnement pouvaient être améliorés afin de ne plus donner accès à la malbouffe aux personnes dans le besoin. « Un ancien bénéficiaire m’a même confié un jour : ‘À partir du moment où je n’ai plus eu droit au dispositif, j’ai perdu 10 kg’. En effet, il mangeait plus de pizzas et de plats transformés car ces denrées étaient proposées. » Encore un argument de poids pour Rémy. Dans le même temps, les tarifs de la Banque alimentaire flambaient. C’est la somme de tous ces facteurs qui a impulsé la mise en œuvre du changement : avec une disparition progressive des produits notés E au Nutriscore, l’achat de matériel pour conserver le frais et la recherche d’appels à des projets de type « Mieux manger pour tous ».

Une dynamique vertueuse et éthique

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Un partenariat avec une enseigne bio, un producteur de fruits et légumes bio local, des commandes en fonction de la demande pour éviter les pertes : les jalons d’une autre voie étaient posés. La dernière amélioration date de juillet 2025 : la régie municipale qui produit et fournit les cantines scolaires valide alors un accord pour l’embauche d’un maraîcher par le CCAS ainsi que l’achat de matériel supplémentaire. Aujourd’hui, après toutes ces différentes phases de réorganisation, «  l’offre a pu être améliorée, on continue à avancer en gardant l’objectif du 100% bio  ». Rémy Giorgioni ne décide pas seul. « Nous réunissons les bénéficiaires associés au projet et nous prenons ainsi des décisions collégiales sur la sélection des produits frais et les commandes groupées. Cette démarche a un coût mais depuis plus de vingt-cinq ans, la mairie de Mouans-Sartoux se donne les moyens d’une politique alimentaire, durable et bio pour ses administrés. »

Pour être éligible à l’épicerie sociale, les bénéficiaires doivent être orientés par un travailleur social. L’accès est autorisé avec un accompagnement pour une durée de trois mois renouvelable une fois sauf cas exceptionnel. « Il faut que ça reste une béquille et non un droit  », confie Rémy Giorgioni. Ce sont 85 familles, environ 175 personnes, qui fréquentent l’épicerie Robert Moro. Comme Blaise, inscrit depuis deux semaines. « Du bio c’est bien ! Moi j’apprécie le geste humain pour apporter de l’aide aux plus démunis. Je viens d’arriver et ça a été une agréable surprise de trouver cet endroit. »
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Photo de Une : Rémy Giorgioni en pull bordeaux entouré de l’équipe de l’épicerie sociale ©ME©ME