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Le CESE veut mieux encadrer les travailleurs détachés

Depuis dix ans, le recours aux travailleurs détachés ne cesse de prendre de l’ampleur, en France, et plus largement en Europe. Les TPE et PME sont de plus en plus préoccupées par la concurrence accrue de ces salariés. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a récemment proposé des pistes de réformes pour mieux encadrer le travail détaché et éviter les abus.

Bêtes noires des TPE, des artisans, les travailleurs détachés sont accusés de concurrence déloyale et sont devenus très employés dans les secteurs du BTP, de l’agriculture ou encore dans l’hôtellerie-restauration. Les excès de l’utilisation du principe de la liberté de prestation de services a conduit le gouvernement à saisir le CESE, afin qu’il formule des pistes pour mieux encadrer le travail détaché, tant au niveau national qu’européen. En juin 2015, sept ministres du travail et de l’emploi de l’Union européenne ont déjà pris position pour une révision de la directive de décembre1996, relative au statut des travailleurs détachés. Ces travailleurs dits « détachés » sont envoyés provisoirement par leurs employeurs dans un autre Etat membre de l’UE, pour y poursuivre leurs fonctions. Au niveau du droit du travail, le salarié détaché dépend de la législation du pays d’accueil. En matière de protection sociale, il demeure régi par les dispositions de l’Etat d’origine.

Des préconisations au niveau européen...

Le projet du Conseil économique, social et environnemental plaide pour une révision de la directive de 1996 en se basant sur le principe du « à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail ». Ainsi, le CESE préconise une harmonisation sociale entre les différents pays de l’Union Européenne. Second combat du CESE, la lutte contre les situations de travail illégal découlant des opérations de détachement. Pour mener cette mission, le rapport encourage un renforcement des coopérations administratives entre Etats membres de l’UE par l’exploitation des bases de données nationales et l’adoption d’une carte européenne des travailleurs détachés, pour mieux les identifier. Enfin, il préconise une clarification des règles juridiques en suggérant, par exemple, qu’une durée maximale de la mission de détachement soit déterminée pour chaque secteur d’activité, dans le cadre d’un dialogue européen.

..et national

Sur le plan national, le Conseil préconise un certain nombre de mesures visant à mieux encadrer le système et à lutter contre les fraudes et abus dont les premières victimes sont, avant tout, les travailleurs détachés. Dans cette optique, le rapport plaide pour une réforme de la réglementation sur les offres anormalement basses du Code des marchés publics. Il souhaite également renforcer le rôle des partenaires sociaux pour défendre les travailleurs détachés, en inscrivant les règles de rémunération dans les conventions collectives et la mise en place de bureaux syndicaux, pour les informer et défendre leurs droits. Parmi les infractions couramment repérées par les services de contrôle, le dépassement de la durée légale du travail et les conditions d’hébergement figurent en tête de liste, suivis de la non-déclaration des accidents du travail. Le CESE plaide pour l’établissement d’un système de déclarations en ligne des détachements, qui ferait office de guiche unique, sur le modèle du dispositif belge Limosa, pour mieux suivre ces salariés.

Par ailleurs, pour compléter le dispositif de lutte contre les abus, le rapport insiste sur la nécessité de renforcer les moyens de contrôle de l’inspection du travail en accroissant les effectifs des Unités régionales spécialisées dans la lutte contre le travail illégal à 200 agents (contre 140, aujourd’hui).

Le statut du travailleur détaché

Selon le Code du travail, est un « travailleur détaché » le salarié d’un employeur établi à l’étranger qui travaille pendant une période temporaire sur le territoire national. Pour qu’un travailleur étranger bénéficie de ce statut, plusieurs conditions doivent être remplies.
Les entreprises étrangères sont tenues de se conformer au droit français. Au cours de sa présence sur le territoire national, le travailleur détaché doit bénéficier des principaux droits accordés aux salariés des entreprises françaises.
Afin de moraliser les pratiques, la loi Savary du 10 juillet 2014, visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, a prévu la possibilité d’engager la responsabilité du donneur d’ordre, en cas d’irrégularités dans le détachement et mis de nouvelles obligations à la charge du prestataire étranger, précisées par un décret du 30 mars 2015. La loi Macron du 6 août 2015 contient de nouvelles mesures pour lutter contre le travail illégal.

Vers une révision de la directive

La Commissaire européenne aux Affaires sociales, Marianne Thyssen, devrait présenter une révision « ciblée » de la directive sur les travailleurs détachés, en décembre prochain. Devant la Confédération européenne des syndicats, réunie en congrès, à Paris, fin septembre, le président de la République, François Hollande, a plaidé pour un renforcement de la lutte contre les abus liés aux travailleurs détachés, se référant à la nouvelle directive en discussion. Les travailleurs détachés représentent 0,6% de la population active de l’UE (1,3 million). Les principaux pays d’accueil sont l’Allemagne (400 000 travailleurs détachés), suivie de la France (200 000) et de la Belgique (130 000).

Photo de Une : ve.lecese.fr

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