Le dos au mur...

Le dos au mur...

Quatorze heures, pas une de plus, pour constater qu’il ne pourrait pas gouverner comme un Premier ministre « normal ». L’équipe de Sébastien Lecornu a vécu ce que vivent les roses. Il s’est immédiatement piqué aux épines des oppositions, de droite et de gauche, et à l’intransigeance de LR et Bruno Retailleau en particulier, qui a rendu tout accord de gouvernement impossible.
C’est là une grande responsabilité qui a été prise. D’ailleurs, les premiers signaux négatifs consécutifs à cette démission n’ont pas tardé, avec une dégringolade du CAC 40 et les taux d’emprunt de la France qui ont aussitôt dépassé ceux de l’Italie, jusqu’alors présentée à Paris comme une mauvaise fille, incapable de tenir les cordons de sa bourse.

Les seuls qui se frottent les mains sont évidemment Jean-Luc Mélenchon, qui rêve tout haut de la « destitution » d’Emmanuel Macron, et Marine Le Pen. En temps de crise, les extrêmes tirent bien leur épingle du jeu lors des consultations électorales. LFI et RN savent qu’ils ont tout à gagner avec une bonne crise bien poisseuse. À l’opposé, les partis qui furent jadis « de gouvernement » ont tout à perdre dans la chienlit présente : usure du pouvoir, impuissance à imaginer un programme de gouvernement minimum pour continuer à vivre en attendant les échéances électorales naturelles (2027). En cas de dissolution, leurs rangs à l’Assemblée risquent fort de se clairsemer, les sondages subodorant déjà un effondrement du centre...

En renonçant au 49.3, Lecornu avait accepté de se couper de l’arme absolue prévue par la Constitution pour éviter le blocage de la machine (un 49.3 justement imaginé par Michel Debré en 1958 pour des temps difficiles comme ceux que nous vivons, et aussi pour contourner des obstructions politiciennes qui ne disent pas leur nom). Son choix était de placer l’Assemblée au cœur du réacteur. Certains n’ont pas voulu l’entendre, pris entre des logiques de partis et surtout d’égos et d’ambitions personnelles, avec l’Élysée en ligne de mire.

Alors, dans quel état ressortiront Les Républicains, les Socialistes, les Écolos et les Macronistes de possibles législatives qui seront davantage précipitées qu’anticipées ? S’ils sont laminés dans les urnes, ils n’auront qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Ils n’ont pas su garder l’aiguille de la boussole sur l’intérêt supérieur de l’État. Ils se sont livrés une fois de plus à de petits calculs d’appareil dont ils vont bientôt toucher l’addition.

Le triste spectacle auquel nous assistons ne peut que continuer à creuser le fossé – déjà abyssal – séparant les politiques des citoyens ordinaires. Alors que la situation réclame une action déterminée, il ne se trouve personne aujourd’hui pour assumer le risque des inévitables décisions qui fâchent – augmentation des impôts, des taxes, moindre redistribution… Car il faut du courage pour aller au-devant des Français et leur dire ce qu’ils n’ont pas envie d’entendre.

Aucun des candidats putatifs à l’Élysée ne se risque évidemment à porter ce message impopulaire, et l’on continue, chaque jour un peu plus, à s’enfoncer dans la crise…