Législatives : Des chefs

Législatives : Des chefs d’entreprise azuréens peu rassurés avant d’entrer dans l’isoloir

Invités par l’UPE06 à présenter leur programme économique, des candidats aux élections législatives ont tenté de rassurer les chefs d’entreprise. Pour un résultat très inégal et souvent confus.

Il a flotté par moments une certaine confusion le 25 juin au matin dans le grand salon de l’hôtel Crowne Plaza de Nice. L’organisation patronale locale avait choisi d’y convier cinq personnalités politiques locales, dont quatre candidats aux législatives, afin qu’ils puissent présenter aux adhérents de l’UPE06 leurs propositions économiques et qu’ils répondent à quelques interrogations. Et certains ont laissé une impression de grand flou.
En introduction, le président de l’UPE06 Pierre Ippolito avait sagement rappelé que ce n’était pas son rôle de « donner des consignes de vote ou de distribuer des bons points  » mais de dire, sur le plan économique, «  ce qui nous semble rationnel et ce qui nous parait dangereux », dans un contexte de grande fragilité des finances publiques.

De haut en bas : Simon Daragon est spécialiste en fiscalité immobilière ; le premier candidat à s’epximer José Garcia Abia ; Philippe Pradal était le seul député sortant présent. ©S.Guiné

Dans un communiqué diffusé au lendemain de ces rencontres avec les candidats, l’UPE06 a indiqué que ces auditions ont été « l’occasion pour les entrepreneurs de notre territoire de faire part de leurs inquiétudes sur la politique économique qui sera conduite par le futur gouvernement. Tout au long de ces auditions, nos adhérents UPE06 (syndicats et adhérents directs) ont souhaité exprimer leur volonté de poursuivre les réformes engagées au profit de la compétitivité de notre pays : valorisation de la valeur travail, baisse des impôts de production, aide à la formation et à l’emploi des jeunes ». «  Si un certain nombre de programmes se concrétisaient en 2024, ils pourraient avoir pour conséquence des faillites massives d’entreprises et donc des suppressions d’emplois. Pierre Ippolito, président de l’UPE06, a réitéré à l’occasion de cette manifestation la nécessité d’une politique économique cohérente et stable (…). À ce jour, les programmes économiques des coalitions ne nous ont pas rassurés. Le manque de visibilité est source d’une grande inquiétude car l’instabilité n’est pas favorable à l’investissement et à l’entreprenariat  », concluait le communiqué. Ce sont justement deux candidats des coalitions qui sont apparus particulièrement en difficulté lors des échanges avec les chefs d’entreprise : José Garcia Abia, du Nouveau Front Populaire et Bernard Chaix, de l’Union des droites soutenue par le Rassemblement national.

« Beaucoup d’amateurisme »

Ils étaient à l’évidence tiraillés entre leurs propres convictions, celles du PS pour le premier et celles des LR pour le second, et les mesures du mouvement pour lequel ils concourent à cette élection. Ils n’ont pas réussi à clarifier leurs positions, loin s’en faut, alors qu’ils bénéficient pourtant tous deux d’une certaine proximité avec le monde entrepreneurial. José Garcia Abia a été expert-comptable et Bernard Chaix président de la CGPME (Ndlr : CPME aujourd’hui). José Garcia Abia, qui s’est présenté en défenseur des TPE-PME, a souvent dû se justifier avec un « c’est ce que je pense  » ou un « c’est moi qui suis candidat », embarrassé à l’heure de défendre le SMIC à 1 600 euros nets ou la fin de la flat tax, des annonces qui font grincer quelques dents. Quant à Bernard Chaix, qui a beaucoup parlé de réformes sans dire précisément lesquelles, il était bien embêté pour répondre à une question sur le sujet des citoyens binationaux mis sur la table par Jordan Bardella. «  Je ne suis pas Jordan Bardella, je n’ai pas ma carte au RN, j’ai ma carte aux LR », a-t-il fini par dire, relancé par une personne dans la salle. Beaucoup plus à l’aise dans l’exercice, même s’il est apparu agacé à l’issue de son audition, Philippe Pradal, député sortant de la majorité présidentielle, a cherché à se démarquer et à se défaire de l’étiquette d’Ensemble pour la République. Il n’a pas fui ses responsabilités, reconnaissant qu’il avait bien un bilan à défendre mais que c’était un peu comme « de juger la performance d’une course sur 400 mètres au bout de 200 mètres ». Il a surtout mis en avant le président de son parti, Horizons, Édouard Philippe, qui veut « une France plus forte, plus juste, plus puissante, plus prospère et probablement plus libre aussi » et qui a pris ses distances avec le président Emmanuel Macron. Philippe Pradal s’est dit favorable à ce que la prise de risque soit mieux rémunérée et que le salaire permette d’avoir une différence plus nette entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. Simon Daragon, candidat pour les LR indépendants, a fait une proposition très concrète pour tenter de répondre aux problèmes de recrutement : un CDD de trois mois sans charges. Arbitre en sa qualité d’animateur, Jean-François Puisségur n’a pu s’empêcher de dire qu’il y avait « de grosses divergences entre les candidats et leur mouvement politique » alors « qu’on a besoin d’y voir clair localement  ». Une cheffe d’entreprise n’a, elle, pas hésité à dire sentir « beaucoup d’amateurisme et un manque de préparation générale  » après l’intervention de Bernard Chaix. «  On fait tout dans la précipitation », a admis ce dernier. Ce qui a fait souffler à un autre dirigeant : «  Il faut qu’on vote quand même ». Pas simple.

Les principales propositions en matière économique

Voici ce que proposent les trois listes qui dominent les sondages avant le scrutin des 30 juin et 7 juillet, avec dans l’ordre, le Rassemblement national, le Nouveau Front Populaire et Ensemble pour la République.

Le Rassemblement national veut « réaligner les intérêts économiques et les ambitions nationales  » 

. En revalorisant les revenus du travail par une incitation forte à l’augmentation des salaires (permettre aux entreprises d’augmenter les salaires de 10 % jusqu’à trois fois le SMIC, en les exonérant de l’augmentation des cotisations patronales pendant trois à cinq ans).
. En poursuivant la baisse des impôts de production (CVAE) pour stimuler les implantations industrielles en France.
. En simplifiant l’environnement réglementaire, conformément aux états généraux de la simplification lancés lors du temps des urgences (1re phase du programme, de juillet à l’automne)
. En protégeant le pouvoir d’achat en cas de forte inflation par la suspension de la TVA sur une centaine de produits de première nécessité.
(…)

Le Nouveau front populaire entend « décréter l’état d’urgence sociale  »

. En bloquant les prix des biens de première nécessité dans l’alimentation, l’énergie et les carburants par décret, et en renforçant le bouclier qualité-prix pour les outre-mer.
. En augmentant les salaires par le passage du SMIC à 1 600 € nets, par la hausse de 10% du point d’indice des fonctionnaires, en augmentant les indemnités des stagiaires, le salaire des apprentis et des alternants.
Le NFP veut également « abolir les privilèges des milliardaires » :
. En augmentant la progressivité de l’impôt sur le revenu à 14 tranches.
. En supprimant la flat tax et rétablir l’exit tax.
(…)

Ensemble pour la République veut « protéger (le) pouvoir d’achat  »

. En libérant les augmentations de salaires entre le SMIC et 2 500 € nets en réformant les aides aux entreprises et la prime d’activité et en supprimant les effets de seuil qui désincitent les entreprises à augmenter leurs salariés.
. En permettant aux entreprises d’augmenter jusqu’à 10 000 € par an sans charge ni impôt le montant de la prime de pouvoir d’achat qu’elles ont versée l’an passé à 6 millions de salariés.
Et « pour le travail et le mérite » :
. En respectant une règle d’or anti-hausse d’impôts pour les Français.
. En créant 200 000 emplois industriels et 400 usines supplémentaires en restant le pays le plus attractif d’Europe pour les investissements.
(…)

Sources : programme du RN « Bardella Premier ministre. Un projet, une méthode » ; programme « Nouveau Font Populaire. Contrat de législature » ; programme « Ensemble pour la République. Notre Projet ».

Photo de Une ©S.G