Les temps incertains

Les temps incertains

De son propre aveu, « le plus faible des Premiers ministres » devra se montrer fort dans les prochaines semaines pour arriver à faire voter le budget 2026 avant la date couperet du 31 décembre. Faute de quoi, il faudra en passer par une « loi spéciale », qui devrait coûter dans les 11 milliards, et par une nouvelle dissolution, deux perspectives pas vraiment réjouissantes...

En reportant la réforme des retraites, Sébastien Lecornu s’est juste donné un peu d’air pour éviter les deux premières motions de censure qui ont salué son discours de politique générale. Ce faisant, il s’est assuré le vote favorable de (la plupart) des députés socialistes qui vont maintenant se rappeler à son bon souvenir en faisant, sinon de la surenchère, du moins de nouvelles demandes qui vont crisper encore davantage, si cela est possible, la droite LR écartelée entre les intransigeances de Bruno Retailleau et les accommodements (relatifs) de Laurent Wauquiez.

Seules dix-huit petites voix ont évité au gouvernement, jeudi dernier, de passer cul par-dessus tête. C’est très peu, mais – en principe – suffisant, sauf futures désertions toujours possibles d’amis à la fidélité douteuse. En cette fin de période « macroniste », certains, qui furent pourtant très proches, n’hésitent pas à prendre publiquement leurs distances avec le président. Ils ne veulent pas être aspirés dans la spirale négative des sondages concernant le chef de l’État. Gabriel Attal a ouvert la voie des lâcheurs ; il n’est pas dit que cela lui portera bonheur, car en politique la mémoire a aussi longue vie que la rancune. Édouard Philippe est à ce sujet plus prudent, tout en faisant entendre une petite musique grinçante à l’endroit d’Emmanuel Macron.

La nouvelle dégradation de la note de la France par l’agence S&P va-t-elle inciter nos parlementaires à moins de positions, disons, « politico-politiciennes » et à davantage de pragmatisme face à la situation préoccupante de nos finances publiques ? C’est à espérer. On a beau se répéter, à la façon d’un mantra, que « la France n’est pas la Grèce  », il n’empêche que le renchérissement déjà effectif de nos emprunts sur le marché obligataire réduit d’autant l’impact des efforts que nous serons obligés d’accomplir : plus d’impôts pour les particuliers et les entreprises, moins de dépenses publiques, donc moins d’activité. Une austérité qui ne dit pas son nom, mais à laquelle nous ne pourrons pas échapper.

Il reste deux mois pour donner un budget à la France. C’est la seule manière de rassurer nos partenaires – l’Allemagne au premier rang – qui s’inquiètent de la solidité de notre économie, de notre pacte social, de ce fragile équilibre que les temps actuels, pleins d’incertitudes, peuvent mettre à bas.

Alors, oui, il y aura des « larmes », avec des coupes dans les budgets des ministères, avec les conséquences sur le terrain qui ne pourront que provoquer du mécontentement : moins d’argent pour les collectivités territoriales, pour les particuliers (retraités, aides sociales, MaPrimeRénov’, etc.). Toujours prompts à se mobiliser, les célèbres « Gaulois réfractaires » n’auront pas à faire preuve de beaucoup d’imagination ces prochains mois pour trouver des motifs de descendre dans la rue. Si on ne parle plus de « bloquer le pays », le risque demeure cependant, et ce serait la pire des « solutions » pour sortir de cette crise.