Pair, impair : fumeux

Pair, impair : fumeux !

Pour protéger les poumons des Parisiens des particules fines renvoyées par le diesel - que l’État encourage toujours par une taxation allégée - des technocrates eurent la semaine dernière une idée de génie : ne donner le droit de circuler qu’à la moitié du parc automobile. Un jour, les voitures avec des plaques en chiffres pairs, le lendemain en chiffres impairs...Sur le papier, deux fois moins de voitures, deux fois moins de pollution, l’air de nos grandes villes (presque) aussi pur que celui des sommets du Mercantour !

Cette mesure s’est révélée aussi efficace que celle qui aurait consisté, pour diminuer le nombre des cancers, de diviser celui des cancérologues...
Rien ne s’est passé comme prévu. Il y eut autant de circulation (faut bien aller travailler et il n’y a pas toujours de transports publics).
Nos technocrates eurent alors une deuxième idée : interdire la circulation des voitures fabriquées avant 1997 au motif - légitime - qu’elles polluent davantage que les récentes (parfois équipées de truqueurs, mais passons...).
Devant tant de perspicacité, on ne peut qu’applaudir. Car la circulation des guimbardes représente 8% du trafic général. L’impact de cette nouvelle mesure donc est forcément limité, en tous cas pas à la hauteur des pics de pollution.
Si des gens s’entêtent à circuler avec des voitures de dix ou quinze ans d’âge, c’est en général parce qu’ils n’ont pas les moyens d’en acheter de plus modernes. Ils s’acquittent pourtant des mêmes taxes sur les assurances, des carburants, des péages autoroutiers, des parkings... Payer ne donne pas le droit de polluer, mais l’État qui prétend maintenant interdire les vieilles bagnoles leur a pourtant octroyé, du temps de leur jeunesse, un très officiel "certificat de conformité". Il y a là une incongruité, voire une mesure stigmatisante, en tout cas injuste.
Dans la "crise" actuelle, qui concerne toutes les grandes agglomérations, les heures perdues dans les embouteillages ne sont pas prises en compte. Elles s’élèvent pourtant à plus de 60 heures par an, presque trois jours par voiture ! Des centaines de milliers de moteurs tournent pour rien et polluent beaucoup, même au ralenti...
Une fois de plus on veut culpabiliser l’individu et le rendre responsable d’une situation dont il est victime. Au fait, les transports routiers émettent 16,4% des particules fines, le résidentiel et tertiaire 62,5% (1). Si nos technocrates s’en aperçoivent, vont-ils nous demander de chauffer nos logements un jour sur deux, voire de ne respirer que les jours pairs pour les hommes et impairs pour les femmes ?

(1) Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique.

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