Philippe Renaudi (UPE-06)

Philippe Renaudi (UPE-06), l’interview qui décoiffe…

Le président de l’UPE-06 fait partie du bureau national du MEDEF. Il participe à ce titre aux réunions qui se tiennent avec le gouvernement pour amoindrir les effets de la crise du coronavirus. Alors que les entreprises ont joué le jeu sanitaire en respectant le confinement, il leur est maintenant expressément demandé de relancer l’activité. Sans masque, sans gel hydroalcoolique… Philippe Renaudi répond aux questions des Petites Affiches et annonce que les entreprises vont pouvoir imposer une semaine de congés payés à leurs employés tandis que pour les cadres l’activité partielle devrait passer au forfait jour…

Où en est-on maintenant ?

Hier soir (mercredi), le bureau national s’est réuni en conférence téléphonique pendant une heure et demie sur le seul sujet du coronavirus. Nous avons parlé des réunions qui se tiennent avec Matignon avec plusieurs ministres (Olivier Véran, Santé ; Muriel Pénicaud, Travail ; Bruno Le Maire, Economie et Finances) auxquelles participent les organisations syndicales et patronales. Il en ressort que le gouvernement a sans doute communiqué beaucoup trop fort et que la France est trop ralentie en termes d’activité économique. Ils font maintenant du rétropédalage, de façon à remettre les gens au travail.

Du rétropédalage sur les mesures économiques annoncées aussi ?

À tous les niveaux. Le président a dit «  à n’importe quel coût, il n’y aura pas une entreprise en faillite ». Mais maintenant, ils sont en train de faire les comptes et ils prennent peur, rien que sur le chômage technique, parce qu’il y a beaucoup d’entreprises qui ont respecté à la lettre les consignes et le confinement. Ils se retrouvent maintenant avec des chiffres absolument astronomiques…

Bruno Le Maire a pourtant confirmé ce matin les mesures annoncées sur les charges, les impôts etc.

Certes, mais j’ai aussi écouté Muriel Pénicaud qui nous a expliqué que c’est un scandale que les entreprises du BTP aient renvoyé leurs personnels à la maison. Elle met en avant « un manque de civisme » de ce secteur. Or, il est plus que compliqué de maintenir une activité normale, ne serait-ce que parce que tout ce qui est fournitures travaille au ralenti et que les chantiers ne sont plus approvisionnés. En plus, il y a des maîtres d’ouvrage publics qui nous ont arrêtés… Ces accusations de la ministre font bondir le président de la Capeb (artisanat) et du BTP, des catégories faisant quand même partie des “couillus“ qui ne s’arrêtent pas de travailler au moindre rhume. S’il y a vraiment des métiers où les gars sont courageux, c’est ceux-ci !

Vous pourriez travailler ?

Nous n’en avons pas les moyens : pas de masques, pas de gel hydroalcoolique, alors que dans le même temps le ministère du travail nous dit : «  attention, il faut prendre toutes les garanties ». Pour mes entreprises, cela fait trois semaines que j’ai fait les commandes, et je n’ai toujours rien reçu. Que Mme Penicaud nous demande de reprendre alors que les hôpitaux commencent tout juste à recevoir des masques est juste inadmissible. En plus, elle se permet de faire pression en disant «  on n’indemnisera pas les gens qui profiteraient de la situation ». Elle ne l’a pas dit comme cela, mais c’est ce que cela veut dire.

Beaucoup de chantiers sont arrêtés dans le 06 ?

Un arrêt quasi total. Seuls les chantiers qui tournent encore sont ceux qui mettent en sécurité avant de fermer définitivement. Par exemple, nous travaillons sur une conduite d’eau potable qui doit rester stérile, mais après les gars s’arrêtent. Pour les urgences, on sait faire face et mobiliser les hommes, mais l’urgence réglée, c’est fini…

Tous les secteurs sont impactés ?

Pour l’automobile, le CNPA annonce que toutes les grandes enseignes ont fermé, les PME travaillent encore un peu en atelier, mais plus pour très longtemps, car ils sont en rupture d’approvisionnement de pièces. C’est donc une fermeture progressive de ce secteur d’ici la fin de la semaine.? Pour le commerce, tout ce qui est agro-alimentaire tourne au ralenti. Ce secteur organise le travail avec une partie des employés présents, une partie en confinement. Suite à la réunion avec le Premier ministre, les heures supplémentaires ont été déplafonnées, ce qui permettra de donner un peu d’air. Tous les autres commerces sont fermés et les personnels au chômage.
Dans la propreté, il y a encore un peu d’activité, car il y a des priorités et des urgences de nettoyage et de désinfection.
Dans l’hôtellerie, 95% des établissement sont fermés. Par exemple, le Servotel de Nice Saint Isidore du président du syndicat Denis Cipollini a tiré le rideau mardi, il a mis 50 personnes au chômage partiel. Il n’y a pas de réquisition d’établissements dans le 06 pour loger les soignants à proximité des hôpitaux sans qu’ils aient à faire de la route pour rentrer chez eux.
Les transporteurs nous expliquent qu’il est leur est de plus en plus difficile de charger les camions dans les usines par manque de personnels, et de les décharger chez le client pour la même raison.
Dans l’agroalimentaire, en revanche, cela marche parfaitement car ils ont les caristes pour charger et dans les supermarchés du personnel pour décharger. Mais tout le reste est quasiment à l’arrêt, à l’image du président de la FNTR Patrick Mortigliengo qui a été obligé de mettre 40 chauffeurs en chômage partiel. Stations services : aucun problème. Intérim : chute de 70%. Yachting : bientôt à l’arrêt à 100%.

Et maintenant ?

J’ai une conférence téléphonique avec le préfet ce jour pour faire le point de la situation, le bureau du MEDEF-Sud va se réunir. Beaucoup de sujets chauds sont sur la table. Je note que la CGT est globalement d’accord pour qu’il y ait une activité minimum.

Propos recueillis par Jean-Michel CHEVALIER

Photo de Une : Philippe Renaud DR JMC

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