Promouvoir le rôle des femmes dans la science : Trois chercheuses du territoire récompensées
- Par Sébastien Guiné --
- le 24 octobre 2025
Parmi le palmarès du prix « Jeunes talents France L’Oréal-UNESCO pour les femmes et la science », dévoilé le 8 octobre, figurent trois chercheuses qui sont originaires ou vivent dans les Alpes-Maritimes.
C’était la 19e cérémonie de ce prix et nous sommes malheureusement toujours loin du compte. Selon le dernier rapport de l’UNESCO, les femmes représentent moins de 30 % de l’effectif des chercheurs en France (29,7 %). Pour s’attaquer à cette anomalie, il faudrait sans doute commencer par bannir à l’école élémentaire les petites phrases comme « Les maths, ce n’est pas son truc », prononcées sans penser à mal (et pourtant) par un parent ou un enseignant. Et de se débarrasser plus tard, dans les études ou au début d’une carrière professionnelle, du redoutable syndrome de l’imposteur.
« Les femmes peuvent faire des découvertes incroyables »
Comme le clame Marion Négrier, l’une des 34 lauréates du Prix L’Oréal-UNESCO 2025, « les femmes peuvent être innovantes et peuvent faire des découvertes incroyables. Ce n’est pas réservé aux hommes. Il faut changer les mentalités et ce prix y participe ». Marion Négrier, qui vit à Antibes, est post-doctorante au Centre de mise en forme des matériaux, laboratoire basé à Sophia Antipolis mais qui dépend de l’École des Mines de Paris. Elle est également en train de monter une startup en lien avec son objet de recherche. La chercheuse azuréenne travaille sur le recyclage du textile d’origine végétale (coton ou viscose) pour le transformer en nouveaux matériaux qui peuvent être une alternative au plastique : des boutons de chemise ou un dossier de chaise par exemple. Marion Négrier milite pour une meilleure information sur les métiers d’ingénieur et de chercheur dans les collèges et lycées. Elle intervient fréquemment dans les établissements scolaires pour faire connaître la science et ses métiers. Elle n’a pas eu cette chance à son époque et n’a découvert le métier d’ingénieur que tardivement. « C’est quelque chose qui change et j’espère que les jeunes sont mieux renseignés aujourd’hui ».
Entraide
Océane Tournière, originaire de Tourrettes-sur-Loup, fait également ce travail de promotion auprès des jeunes et, même si elle « adore » ça, elle y voit une forme d’injustice : « Les femmes en science doivent travailler deux fois plus car nous avons notre travail de chercheuse et nous avons en plus ce travail de mentor, de rôle modèle et de communication ». Docteure en biologie cellulaire et moléculaire, elle se penche sur l’impact des chromosomes sexuels sur le fonctionnement des cellules. Elle a vu et voit « beaucoup d’obstacles » sur la route des femmes dans la science. « Nous avons toutes ce manque de confiance en nous. Depuis notre plus jeune âge, on nous coupe plus souvent la parole. Même à l’âge adulte, par des journalistes par exemple. On va souvent nous prendre moins au sérieux, on va inviter plus facilement des hommes que des femmes et on oublie parfois que c’est nous qui sommes à l’origine d’une idée… Ce sont toutes ces petites choses mises bout à bout qui créent des freins dans le développement de la carrière des femmes. » Pour changer les choses, il faut « en parler et créer des liens ». « On arrive à s’entraider », explique-t-elle.
Légitime
accompagnée de Rosa Diego Creixenti,
également lauréate et qui travaille
au Centre de recherche Paul Pascal,
qui dépend de l’Université de Bordeaux
et du CNRS.
©Fondation L’Oréal
Pour Manon Pujol, le combat est double. Diagnostiquée autiste quand elle est en master, elle a surtout dû se faire une place en tant que « femme autiste dans les sciences ». Avant son diagnostic, elle était « jugée comme bizarre », confie-t-elle. Après le diagnostic, elle s’est entendue dire qu’il fallait qu’elle arrête car elle n’avait « pas les épaules » pour être chercheuse. Mais grâce à une détermination sans faille, elle y est arrivée. « Je n’ai pas le choix, je dois montrer à mes pairs que je suis légitime ». Manon Pujol, originaire de Pégomas, est post-doctorante au laboratoire de chimie des polymères organiques de l’Université de Bordeaux. Elle travaille sur le recyclage du polystyrène grâce à un processus innovant qui utilise des enzymes. Pour elle, comme pour toutes les femmes qui débutent une carrière professionnelle dans les sciences dures, le combat continue. Mais elles ne doivent pas le mener seules. Il appartient évidemment à leurs confrères masculins de se mobiliser eux aussi pour que les femmes aient, enfin, la place qui leur revient logiquement dans les sciences dures. Certains ont-ils peur qu’elles soient meilleures qu’eux ? Ils n’ont pourtant rien à perdre. La science, elle, a tout à y gagner.
Plus de 4 700 chercheuses accompagnées dans le monde
Le prix Jeunes talents fait partie du programme « Pour les Femmes et la Science » lancé en 1998 par la Fondation L’Oréal, en partenariat avec l’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture). Ce programme a permis d’accompagner 4 700 chercheuses de plus de 140 pays, valorisant « l’excellence scientifique et encourageant de nombreuses jeunes femmes à s’engager dans des cursus scientifiques ».
Le palmarès complet du Prix Jeunes talents France 2025 L’Oréal-UNESCO Pour les femmes et la science (par thématiques)
Innover pour un futur durable
Léa Chocron - Stocker l’énergie solaire pour le chauffage de demain
Rosa Diego Creixenti - Façonner la matière : vers des technologies quantiques et des matériaux magnétiques inédits
Marion Négrier - Transformer les déchets textiles en matériaux durables du futur
Manon Pujol - Valoriser les plastiques : une approche enzymatique innovante
Anna Zhuravlova - Concevoir des matériaux innovants pour la détection chimique et l’électronique imprimée
Biodiversité et sociétés : préserver la planète
Meryem Aakairi - Valoriser les savoirs ancestraux pour une science inclusive
Yolène Duchaudé - Valoriser les plantes créoles pour lutter contre les moustiques vecteurs de maladies
Julie Meunier - Décrypter les tourbillons océaniques pour comprendre le climat
Naïna Mouras - Protéger les mangroves pour la résilience des milieux marins
Merlène Saunier - Protéger la biodiversité des oiseaux marins des îles tropicales
Noreen Wejieme - Éclairer la consommation des poissons coralliens du Pacifique
IA et modélisation : anticiper et façonner l’avenir
Clémence Allietta - Caractériser les événements atmosphériques extrêmes à partir des données satellitaires
Manon Blanc - Modéliser le coût des calculs pour optimiser les systèmes informatiques
Léa Douchet - Anticiper les épidémies en modélisant les liens entre santé et environnement Leah Friedman - Modéliser le développement embryonnaire pour une nouvelle physique du vivant
Bianca Marin Moreno - Guider la transition énergétique avec l’intelligence artificielle
Polina Perstneva - Modéliser le comportement des particules dans les milieux gazeux
Comprendre les lois de l’univers
Nawel Arab - Explorer l’Univers : l’invisible révélé par les mathématiques
Leïla Bessila - Décrypter le chant des étoiles pour comprendre l’Univers
Tamanna Jain - Découvrir les mystères de l’Univers grâce aux ondes gravitationnelles
Développer des thérapies d’avenir
Nazareth Milagros Carigga Gutierrez - Cibler le cancer du pancréas grâce à des nanoparticules innovantes
Marion Guérin - Optimiser les immunothérapies pour lutter contre le cancer
Mahshid Hashemkhani - Concevoir des nanoparticules intelligentes pour combattre le cancer
Lise Larcher - Révéler les mécanismes et thérapies de l’anémie de Fanconi
Mana Momenilandi - Décrypter les mutations génétiques pour éclairer les réponses immunitaires
Marie Robert - Déchiffrer la réponse immunitaire pour accélérer la recherche sur les maladies inflammatoires et infectieuses
Ludivine Roumbo - Décrypter la division cellulaire pour générer des organismes sains et fonctionnels
Kshama Sharma - Décrypter les interactions protéines-adjuvants pour des vaccins plus efficaces
Comprendre la santé humaine
Eulalie Liorzou - Décrypter la biologie de l’utérus pour la santé des femmes
Sabrina Mechaussier - Caractériser les mécanismes liés aux surdités génétiques pour préserver l’audition
Coline Portet - Décrypter les mécanismes du sommeil pour comprendre la mémoire
Marta Sablik - Optimiser la détection et la prise en charge du rejet de greffe d’organe
Fanny Salmon - Suivre le neurodéveloppement des enfants nés prématurés
Océane Tournière - Explorer l’influence des chromosomes sexuels sur le fonctionnement cellulaire