Edito - Quand on joue au

Edito - Quand on joue au plus malin...

Trop malin, le petit Emmanuel, qui a allumé, avec « l’affaire Depardieu », un superbe contre-feu. Du coup, on ne parle plus que de la « honte » ou de la « fierté » que le comédien renvoie de la France dans le monde, et plus du tout (ou presque) de la loi Immigration. Accordons au président qu’il maîtrise sa communication et qu’il soupèse la valeur de ses mots. Dans le fond du dossier, il a raison de rappeler la présomption d’innocence, qui est valable depuis le plus modeste voleur de poules. Que la ministre de la Culture n’est pas la gardienne des élégances, que la suspension ou l’annulation de la Légion d’Honneur appartient seulement à l’Ordre, lequel ne se prononcera que lorsque les faits reprochés seront condamnés (ou pas). En deux mots, l’occasion de faire le buzz était trop belle pour beaucoup. Laissons donc la justice accomplir sereinement son travail
Trop maligne, la gauche, qui a voté la motion de rejet de la loi Immigration. Elle n’a donc pas hésité à mêler ses voix avec celles de LR et du Rassemblement National, se drapant de vertu en appelant souvent au «  front républicain  » pour faire « barrage à l’extrême droite ». Sauf que, en permettant par son vote l’adoption de cette motion de rejet, elle a par là-même empêché la discussion à l’Assemblée de ce texte qu’elle déteste, aucun doute là-dessus. Il aurait pourtant mérité d’être décortiqué, article par article, ce qui aurait permis aux anciens alliés de la Nupes de s’exprimer, ce dont ils se sont privés en accusant les Macronistes d’empêcher tout débat.
Trop malins, le gouvernement et Les Républicains, qui ont laissé passer dans le texte commun issu de la commission mixte paritaire des dispositions qui vont sans doute défriser ce qui reste de cheveux sur le caillou de Laurent Fabius et des juges constitutionnels. L’exécutif espère maintenant que la haute juridiction va retoquer des dispositions trop droitières qui furent imposées par LR. Les amis de Bruno Retailleau et d’Éric Ciotti se réjouissent, après des années de traversée du désert, d’avoir enfin pu peser sur une décision importante.
Trop maligne, Marine Le Pen, qui a versé dans le chaudron parlementaire les ingrédients qui vont enquiquiner encore longtemps les relations au sein même de la (très relative) majorité macroniste et des autres partis. Elle attend maintenant avec gourmandise l’heure du dessert, qui arrivera en 2027.
Trop clairvoyant, le sociologue Jean Viard, invité sur le plateau télé « de C à vous ». Il a résumé l’état d’esprit de l’opinion publique par des formules imagées en expliquant que le ‘problème’, ce n’est pas l’immigration en elle-même, mais la couleur de peau qui nourrit le racisme ordinaire. Or, il rappelle que la population immigrée, issue pour la plupart de l’ancien Empire français, fait davantage d’enfants que les Bretons et les Auvergnats. Et que, par conséquent, la coloration pigmentaire ne va pas disparaître par les effets supposés de la présente loi. Pour lui, le phénomène qui irrite tant ceux qui ont peur de la différence se produit plutôt... «  sous la couette qu’aux frontières  ». Amusant non ?

J.-M. CHEVALIER

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