Sereine Mauborgne : (...)

Sereine Mauborgne : « Les événements nous obligent à réviser les actions diplomatiques et militaires »

Ukraine, Sahel, Sereine Mauborgne, députée du Var, est sur tous les fronts de la guerre, voire aux avant-postes, vu la tension du contexte international.

Ainsi, le 24 février à Vienne, Sereine Mauborgne est intervenue lors de la plénière de l’OSCE, en tant que présidente de la Délégation française et présidente de la Commission en charge de la démocratie, des droits de l’Homme et des questions humanitaires. La veille, elle était intervenue à l’Assemblée nationale, à l’occasion de la déclaration du Gouvernement relative à l’engagement de la France au Sahel.

Elle fait le point pour les Petites Affiches du Var.

Après Genève et Bruxelles, le dialogue s’est poursuivi à l’OSCE à Vienne ?

Sereine MAUBORGNE. La France a condamné fermement l’action militaire de la Russie et appelle au cessez-le-feu avant la reprise des négociations. La seule chose positive a acter est que nous sommes soudés pour montrer que nous sommes aux côtés des Ukrainiens et du peuple Russe. Je voudrais remercier tous les acteurs qui ont œuvré à la désescalade.

En quoi l’OSCE peut être utile dans cette crise ukrainienne ?

SM. La Charte de Paris, dont nous avons fêté les 30 ans à l’automne, est un texte fondamental pour l’OSCE. Nous nous efforcerons de donner une qualité nouvelle à nos relations en matière de sécurité, tout en respectant la liberté de choix de chacun. La sécurité est indivisible et la sécurité de chaque État participant est liée de manière indissociable à celle de tous les autres. D’autant que la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine sont membres de cette organisation.

Et, concernant l’engagement de la France au Sahel ?

SM. Une génération entière de soldats français a foulé les sables sahéliens pour traquer les groupes djihadistes affiliés à Al-Qaïda et au groupe État Islamique dans un territoire vaste comme l’Europe. Mes pensées vont d’abord aux 53 militaires français, à leurs familles, à leurs frères d’armes qui sont morts au Sahel en se battant contre le terrorisme. Leurs noms resteront gravés dans la mémoire collective de notre pays et dans le marbre du monument OPEX, inauguré le 11 novembre 2019.

Quelles étaient les raisons de l’engagement français ?

SM. Les raisons initiales de notre engagement au Sahel démontrent que le redéploiement en cours ne constitue en rien un échec. Rendu avec Nathalie Serre, notre rapport d’information sur l’opération Barkhane a démontré la succession d’adaptation du format d’engagement de nos forces. Mais il est devenu vite obsolète puisque 6 jours seulement après, avec le coup d’État au Tchad, et un mois plus tard, au Mali. Le monde bouge, les événements à l’Est de l’Europe le prouvent et nous invite à aborder les questions internationales avec prudence tant le contexte change rapidement. Les événements obligent à réviser en permanence les actions de diplomatie et militaires.

Pour en revenir au Mali, pouvez-vous resituer les dates clés de cette intervention ?

SM. Au début de l’année 2013, la République du Mali était menacée. A la demande du gouvernement malien, l’opération Serval est déclenchée, stoppant l’avancée des terroristes qui menaçaient de prendre Bamako.
Le 1er août 2014, prenant la suite, l’opération Barkhane a consisté à régionaliser l’action des forces militaires à l’échelle des cinq pays du Sahel : Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad.
La préparation militaire opérationnelle des forces armées des pays du G5 Sahel est un des piliers de l’action de Barkhane.
9 ans après, les résultats sont visibles. Prenons l’exemple de l’armée malienne qui ne comptait que 7 000 hommes avec des équipements obsolètes. Elle en compte aujourd’hui près de 40 000. Mieux formée, cette armée est capable d’une plus grande opérabilité.

Nos marsouins et nos légionnaires, par exemple, ont été impliqué sur le terrain

SM. En effet, en participant aux formations techniques et tactiques des forces armées maliennes. Des actions dans le cadre d’opérations de terrain conjointes ont été menées en situation réelle avec l’appui et la surveillance de drones aériens. Ces soldats exemplaires de l’Armée française qui font notre fierté par leurs qualités militaires, se sont réciproquement enrichis au contact des maliens notamment lors des missions avec les Unités légères de reconnaissance et d’intervention (ULRI). Ce qui a profondément modifié la perception et l’acceptabilité de la population à l’égard de ces soldats. Depuis le début de l’engagement au Sahel, la France a fait la démonstration de ses capacités de renseignement et d’opérations ciblées en neutralisant d’importants chefs terroristes sévissant au Sahel.

Barkhane était une opération exigeante ?

SM. C’était même un défi logistique permanent avec des conditions climatiques éprouvantes pour les hommes et pour le matériel conduisant à des évolutions essentielles ; je pense au sur-blindage des véhicules blindés de reconnaissance (VBL).
Barkhane est le théâtre d’une guerre moderne. La logistique a pu compter sur la modernité du système d’information du combat Scorpion (SICS) et des nouveaux blindés Griffons pour sécuriser les routes à l’automne dernier. C’est un signal fort envoyé à nos jeunes soldats et à nos compatriotes soucieux de leur sécurité et de la visibilité de la loi de programmation militaire.
Cependant, la politique de rupture décidée par la junte au pouvoir, qui ne respecte pas la transition démocratique, menace l’ensemble des acquis obtenus et réinterroge même leur priorité dans le combat contre l’islamisme.

D’où les annonces d’Emmanuel Macron ?

SM. En effet, les annonces du président de la République, le 17 février, ont eu pour effet une opération de transfert du matériel. Nous savons que nous pouvons compter sur le haut niveau d’implication des chefs militaires et de leur centre de planification, qui mènent le travail de préparation et d’anticipation afin de s’adapter à tous les scenarii. Dans cette perspective, il faut saluer l’engagement sans faille de tous les services de soutien, pour lesquels l’engagement opérationnel au côté de leurs frères d’armes va s’intensifier.
Parlons d’avenir. De nouvelles coopérations internationales ont vu le jour associant nos Armées. Je pense à la mise en place de l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme en Côte d’Ivoire qui forme et accompagne les forces d’élites locales.
Le Chef d’État-major, Thierry Burkhard, porte une vision stratégique, intégrant tous les pays de la région.
C’est un nouveau défi à relever aux côtés de nos partenaires africains dans une réflexion interministérielle de lutte contre la corruption et d’identification des causes du terrorisme.

Photo Presse Agence.

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