Travel Planet : Croissanc

Travel Planet : Croissance à grande vitesse

La présidente du groupe Travel Planet se penche sur plus d’une décennie d’activité marquée par le genèse d’un outil innovant et une impressionnante progression.

La réussite du groupe Travel Planet, à la fois agence de voyages d’affaires et éditeur de solutions, doit tout autant à l’expertise de Betty Seroussi, qui travaille dans l’univers du voyage depuis 1990, qu’à son mari, Tristan Dessain-Gelinet, CTO du groupe. Ils se rencontrent alors qu’elle songe à vendre son agence de voyages ouverte à Paris plusieurs années auparavant. Lui est dans la tech, avec des applications plutôt dans le monde de la finance, « pas du tout dans celui du voyage », souligne-t-elle. Mais, curieux de nature, il s’intéresse à ce qu’elle fait et tombe sur plusieurs opportunités pour racheter des agences dans le nord de la France.


©Studio Blasco

Après réflexion, ils s’installent à Arras et se retrouvent à la tête de cinq agences (à Arras, Lens et Abbeville) tout en gardant celle à Paris. Se méfiant de la dépendance (« J’aime la liberté »), Betty Seroussi se lance également dans le voyage d’affaires. Et un tournant se présente à eux en juillet 2013 : Tristan Dessain-Gelinet, aventureux en plus d’être curieux, répond à un appel d’offres « qui pèse trois fois notre chiffre d’affaires » (alors de 7 millions d’euros), se remémore Betty Seroussi. « Tristan s’est dit : on va perdre mais on va apprendre ». Sauf qu’ils remportent l’appel d’offres. Avec une date butoir environ deux mois plus tard. « On avait deux solutions. Soit on partait à Paris soit on allait à Lille car on savait qu’à Arras on n’aurait pas le marché d’emploi ». Les salariés déjà présents votent pour Lille. Et c’est ainsi que l’histoire de Travel Planet débute véritablement, dans le Nord. « On n’avait pas grand-chose, si ce n’est un contrat signé extraordinaire. » Pressés, ils se procurent la technologie chez d’autres mais ont déjà en tête ce qu’ils veulent pour la suite. Betty Seroussi vante le site d’Amazon, tellement simple à utiliser : «  Si tu arrives à faire un peu pareil pour le voyage, ce serait super bien », glisse-t-elle à son compagnon développeur.

« Métier méconnu »

Elle relève que le voyage d’affaires est « un métier feutré, méconnu » alors que « les déplacements professionnels représentent le deuxième poste de dépenses dans les entreprises, après les salaires ». Elle avance aussi que Travel Planet «  dérange » dans un métier «  qui pendant des années n’a pas bougé  ». En 2015, la société réalise un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros (cinq fois plus qu’en 2014). La même année, ils terminent la première version de leur plateforme. Entre 2016 et 2019, ils mettent le paquet sur le développement. En 2019, le chiffre d’affaires grimpe à 85 millions et « sans le Covid, nous aurions dépassé les 100 millions en 2020  », confie Betty Seroussi. Sauf que le Covid arrive. Mais il en faut plus pour atteindre sa fondatrice. « Cela a été une catastrophe mondiale mais nous l’avons saisie comme une opportunité. Je pense que toute ma vie j’ai essayé de chercher les opportunités dans les moments difficiles. » Elle confie pourtant avoir eu peur. Mais les nuits blanches, c’est le lot des chefs d’entreprise. Pour des raisons personnelles, ils décident d’aller vivre dans le sud tout en maintenant l’entreprise à Lille. Puis le confinement arrive. «  Nos développeurs n’arrêtent pas de travailler pendant la période Covid. Pas un jour de chômage partiel. Ils terminent la plateforme pour qu’on puisse répondre à un petit appel d’offres de la SNCF en 2021  ». Quatre ans plus tard ils sont toujours en lien avec la SNCF : « On travaille avec le groupe depuis début 2024 sur plusieurs plateformes, sous forme de tests  ». Travel Planet travaille également avec Trenitalia, Deutsche Bahn et FlixTrain avec « l’objectif de devenir incontournable  » dans le secteur de la distribution de voyages et plus particulièrement dans le secteur du ferroviaire.

Équilibriste

Depuis fin 2021, le groupe, soucieux d’aller vers un voyage d’affaires de plus en plus responsable, est installé à Sophia Antipolis, avec déjà deux déménagements, nécessaires, pour accompagner sa croissance. Depuis 2022, Travel Planet propose sa plateforme en marque blanche à d’autres opérateurs de voyages (Makitizy). Ajouter à cela un service client 24/7 géré par une filiale au Maroc qui vient de fêter son premier anniversaire, une présence dans la 5e promotion du programme gouvernemental ETIncelles (seule PME de la région) et une croissance externe prévue en 2026 : les planètes semblent définitivement alignées.

Comment la présidente perçoit-elle cette hyper croissance ?

Surtout face à de gros concurrents internationaux comme Amex, CWT (Carlson Wagonlit Travel) et Egencia. « C’est à la fois grisant et effrayant. Une croissance organique, c’est un peu l’aventure et parfois l’inconnu. Il y a beaucoup de choses à gérer : toute la partie financière et la partie RH qui est extrêmement importante. Il faut savoir doser, un peu comme pour une pâtisserie. Et j’ai parfois l’impression d’être une équilibriste. On a vu tellement de chefs d’entreprise qui se sont cassés la figure… Il faut toujours être sur le coup d’après. L’anticipation est extrêmement importante. »

Travel Planet en quatre chiffres clés
11 ans d’activité
Près de 80 collaborateurs
Plus de 150 clients en France et au Royaume-Uni
130 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2024
Vue extérieure des bureaux de Sophia ©S.G

Pourquoi Travel Planet n’est pas adepte du télétravail

©S.G

« Je suis anti-télétravail pour plein de raisons », explique Betty Seroussi. « Dans notre activité la chaîne de communication est extrêmement importante. Nous avons déjà parfois du mal à communiquer les uns avec les autres dans nos 1 000 m2 de bureaux... Nous faisons un métier dans lequel les développeurs doivent être près des projets. Quand on est chez soi, on perd ce lien. Quand vous êtes en télétravail, vous ne vous connaissez pas. Pour nous qui grossissons rapidement, c’est extrêmement important de garder le lien entre les collaborateurs et le lien avec les dirigeants. On nous dit souvent : Comment faites-vous à Travel Planet ? Ce que quelqu’un nous propose en six mois, vous nous le proposez en un. C’est une force, parce que les équipes sont là ».
La présidente a veillé à faire « de beaux bureaux, avec un joli jardin, une cuisine dans un esprit bistro et plein de petites salles de réunion. Mais pas de baby-foot ! Nous essayons d’apporter de la convivialité, de faire en sorte que nos collaborateurs se sentent bien au travail  ». Et elle l’assure : l’absence de télétravail « ne nous bloque pas pour le recrutement ». « Je suis anti-télétravail. Quand ils postulent, ils le savent. »

Une voix pour le territoire et pour la tech

©Studio Blasco

Betty Seroussi n’est pas seulement présidente fondatrice de Travel Planet. Elle est également présidente de la French Tech Côte d’Azur, membre élue de la chambre de commerce et d’industrie Nice Côte d’Azur et, depuis quelques semaines, membre du Women First Club, dont les valeurs sont l’ambition, la proximité, l’entraide et le soutien. «  De temps en temps, il faut aller voir ce qu’il se passe ailleurs. Et puis j’étais très fière de rentrer dans ce club pour faire entendre la voix de la tech. Il faut aussi qu’on ait notre mot à dire », explique-t-elle à ce sujet. À l’heure où la part des femmes dans la tech recule (7 % seulement), avec de moins en moins de filles dans les écoles d’ingénieurs informatiques, elle est également très fière d’annoncer une parfaite parité au sein de son équipe de développeurs. « Je ne l’ai pas fait exprès mais je pense que le fait d’être une femme dans la tech a incité certaines jeunes femmes à postuler chez Travel Planet. » Et de résumer, simplement et avec justesse : « C’est une question de cerveau et de savoir-faire ».

Photo de Une ©Studio Blasco