Un peu de politique-frict

Un peu de politique-friction...

Gérald Darmanin, convaincant de maîtrise et de savoir-faire lorsqu’il était chargé des comptes publics, s’est bien droitisé depuis son installation place Beauvau. Alors que les députés discutaient de la loi de sécurité globale, le ministre de l’Intérieur n’a rien trouvé de mieux que de proposer aux journalistes de se rapprocher des forces de l’ordre pour faire leur travail sur les manifestations.
En voilà une bonne idée !
Plutôt que de perdre leur temps à vivre sur place l’événement pour en rendre compte, à respirer les lacrymogènes et prendre quelques coups de matraque au passage comme le premier venu des gilets jaunes, ils pourraient grâce à Darmanin rester bien au chaud auprès des CRS. Ceux-ci guideraient ces journalistes, dûment badgés et accrédités, pour voir juste ce qu’il faut voir comme les groupes de touristes conduits par un tour opérateur.
Poussant cette logique jusqu’au bout, les reporters pourraient aussi aller en préfecture chercher un communiqué tout cuit. Ce qui éviterait, reconnaissons-le, inexactitudes et approximations dans leurs comptes rendus. Imaginons la teneur du communiqué : "La manifestation pour le pouvoir d’achat a réuni ce matin cinq participants sur la place Garibaldi. Un individu, qui avait dit un gros mot, a été interpellé, ainsi qu’une dame âgée qui avait chargé une escouade de policiers en vociférant et en agitant un drapeau. La préfecture élève une protestation formelle contre un tel déferlement de violence et rappelle qu’elle fait bien sûr totalement confiance dans la justice de notre pays".
Tant qu’on y est, on pourrait aussi donner des images toutes faites et punir - disons 45 000 euros TTC, cela semble dissuasif - ceux qui publieraient des textes non conformes et des photos ou vidéos volées.
Imaginer une seule seconde une accréditation ou quelque chose d’approchant est tout juste intolérable et dangereux, à la fois pour la liberté de la presse et pour la démocratie. Ce serait la négation de principes et de valeurs que les journalistes ont bien du mal à faire respecter, et pas seulement en Pologne, en Hongrie et en Slovénie...
Gérald, ressaisis-toi !
Le Premier ministre Jean Castex précisera devant l’Assemblée le désormais fameux "article 24" de la loi de sécurité globale pour garantir la liberté de la presse qui n’est "bien entendu en rien menacée" estime l’entourage de Darmanin.
Depuis Beaumarchais, on sait que "sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur" et l’on partage sans retenue avec quelques autres malappris que l’idée que la "liberté de la presse ne s’use que si l’on ne s’en sert pas".
Une liberté qui ne concerne pas seulement les journalistes mais aussi... leurs lecteurs.
J.-M. CHEVALIER

PS : Il y a effectivement un problème quand des images permettent d’identifier des policiers, mais leur diffusion relève essentiellement des réseaux sociaux et pas de la presse professionnelle dont l’éthique est la seule limite admissible dans une démocratie.

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