Sociétés : mais à qui (...)

Sociétés : mais à qui sont donc ces propriétés ?

« L’absence de respect de la réglementation, le caractère incomplet des données, les failles dans les contrôles et les difficultés à croiser les bases de données créent un mur d’opacité qui empêche le suivi des flux d’argent sale dans l’immobilier français  » accuse Transparency International dans un rapport qui vient d’être mis en ligne (1).

« Six ans après la mise en place pour les sociétés enregistrées en France d’une obligation de déclaration de leurs bénéficiaires effectifs, près d’un tiers d’entre elles n’ont toujours pas déclaré leurs bénéficiaires effectifs. Ces sociétés sont souvent propriétaires de parcelles immobilières. Plus de 7,3 millions de parcelles – qui peuvent contenir une ou plusieurs propriétés – sont ainsi détenues anonymement en France. Les efforts déployés pour traquer les avoirs immobiliers des criminels en col blanc, des kleptocrates et des élites sous sanctions internationales se heurtent à un mur d’opacité  » assure l’organisation.

Pour arriver à ces conclusions inquiétantes, le rapport se base «  sur une analyse approfondie des données publiques disponibles sur les sociétés et les biens immobiliers immatriculés en France ». Les auteurs ont récupéré environ cinq millions de pages web individuelles contenant des informations sur les sociétés dans le registre français de la propriété effective des sociétés et ont croisé les résultats avec les données cadastrales françaises.

Plus de 1,5 million de sociétés enregistrées en France – soit un peu moins du tiers – n’ont pas déclaré leurs bénéficiaires effectifs, bien qu’elles soient tenues de le faire depuis... 2017. Près de 10,3 millions de parcelles partout en France sont détenues par des sociétés privées et pour 71 % d’entre elles les véritables propriétaires restent inconnus.
La grande majorité de ces sociétés n’ont pas fourni de données sur leurs propriétaires réels ou sont inconnues du registre français des bénéficiaires effectifs. Beaucoup sont des sociétés étrangères qui peuvent posséder des biens immobiliers en France sans passer par une société française et qui ainsi échappent aux obligations de transparence.
Les autorités françaises ont présenté des chiffres de conformité « légèrement différents  », mais les chercheurs « n’ont pas été en mesure de vérifier de manière indépendante les chiffres du gouvernement ».
Les auteurs du rapport ont également pu identifier 166 ressortissants russes figurant dans le registre français des bénéficiaires effectifs, « dont des hommes politiques, des hommes d’affaires, de hauts fonctionnaires et des propagandistes russes, ainsi que leurs proches ». Près de la moitié de leurs sociétés seraient des sociétés civiles immobilières (SCI). Les sociétés appartenant à des russes sont « deux fois plus susceptibles d’être enregistrées à une adresse boîte aux lettres, ce qui devrait faire retentir, pour les autorités comme pour tous les acteurs de la filière immobilière (agents immobiliers, courtiers, promoteurs, établissements de crédit, notaires), un signal d’alarme lors de la création d’une société  ».
Pour Transparency International France, ces sociétés possèdent des parcelles sur lesquelles sont construites des propriétés luxueuses de tous types, depuis des villas à Saint-Tropez jusqu’à des chalets alpins, en passant par de somptueux appartements situés dans les arrondissements les plus prestigieux de Paris et tout l’arc atlantique.


(1). Transparency International France fait partie d’un mouvement mondial militant orienté contre la corruption. Elle compte plus de 100 sections dans le monde et un secrétariat international à Berlin.

Visuel de Une (détail) page de une du rapport publié le 5 juillet 2023 "Face au mur" DR Transparency International

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