Travailleurs frontaliers

Travailleurs frontaliers : le confinement n’aura pas d’incidence fiscale

Les règles d’imposition applicables aux travailleurs frontaliers domiciliés en France seront-elles modifiées par le télétravail rendu obligatoire en raison du confinement ? C’était la crainte que pouvait susciter le principe selon lequel l’activité doit être exercée exclusivement dans la zone frontalière de l’autre Etat et non en France.
L’Administration a toutefois annoncé le 19 mars 2020 qu’un accord a été trouvé avec les Etats voisins afin d’éviter que les restrictions de déplacement entraînées par l’épidémie de Covid-19 ne conduisent à modifier le lieu d’imposition des salaires perçus par les travailleurs frontaliers.

Par le cabinet d’avocats CMS Francis Lefebvre Avocats mobilisé pour apporter son expertise sur les mesures prises dans le cadre de la crise sanitaire actuelle.

Un accord concernant les frontaliers français travaillant en Belgique, en Suisse, en Allemagne ou au Luxembourg

Sont prioritairement concernés les frontaliers travaillant en Belgique, en Suisse ou en Allemagne, qui ne peuvent normalement travailler hors de la zone frontalière que dans la limite d’un certain nombre de jours par an, sous peine de devenir imposables à l’étranger. Cette limite, fixée par des accords amiables complétant les conventions fiscales bilatérales, s’élève à 30 jours pour la Belgique et à 45 jours pour la Suisse et l’Allemagne.

L’Administration a indiqué qu’un accord a été trouvé avec la Belgique et la Suisse en vertu duquel les jours télétravaillés en France à compter du 14 mars 2020 et jusqu’à nouvel ordre ne seront pas pris en compte pour le décompte de la limite normalement applicable. Elle a également souligné que l’accord amiable franco-allemand autorise déjà le télétravail à domicile. Il prévoit en effet que « les activités exercées dans la zone frontalière de l’État de résidence du salarié sont réputées effectuées dans la zone frontalière » de l’autre Etat. La situation de ces contribuables restera par conséquent inchangée.

Les frontaliers français travaillant au Luxembourg sont quant à eux normalement imposables dans cet Etat mais peuvent devenir imposables en France s’ils y travaillent plus de 29 jours par an (et non à compter du premier jour de travail en France : la tolérance de 29 jours est prévue par le point 3 du protocole attaché à la convention du 20 mars 2018, entrée en vigueur au 1er janvier 2020). Là encore, il a été convenu que les jours télétravaillés en France pendant la crise ne seront pas pris en compte pour le calcul des 29 jours, les autorités des deux Etats considérant que la situation actuelle constitue un cas de force majeure.

Pas de précision pour les autres frontaliers

L’Administration ne s’est pas prononcée sur le cas des frontaliers exerçant leur activité en Espagne ou en Italie, eux aussi exclusivement imposables en France en vertu de régimes dérogatoires.

En principe, ces régimes impliquent que le salarié retourne chaque jour à son domicile en France.
Contrairement aux hypothèses précédentes, aucun accord amiable n’a été conclu entre les Etats pour préciser si, et le cas échéant dans quelle mesure, l’activité peut être exercée hors de la zone frontalière de l’autre Etat.
On peut raisonnablement penser que le caractère exceptionnel de la situation actuelle permet, aux yeux de l’ensemble des administrations concernées, de justifier l’exercice temporaire de l’activité en France.

Des accords bilatéraux ont été conclus par certains Etats étrangers

On notera que le secrétariat de l’OCDE a publié le 3 avril 2020 une première analyse des effets du confinement sur l’application des conventions fiscales, dont l’un des volets concerne précisément les travailleurs frontaliers. Cette analyse souligne que « des circonstances exceptionnelles appellent un niveau exceptionnel de coordination internationale afin de limiter les coûts administratifs pour les employeurs et les salariés subissant une modification involontaire de leur lieu d’activité ». A cet égard, la prise de position de l’administration française, intervenue dès les premiers jours de confinement et avant même la publication de l’analyse de l’OCDE, mérite d’être saluée.

Certains Etats sont allés encore plus loin et ont d’ores et déjà conclu des accords bilatéraux pour régir l’imposition des rémunérations versées pendant la période de confinement. L’Allemagne a ainsi conclu pas moins de trois accords les 3, 6 et 15 avril 2020 avec, respectivement, le Luxembourg, les Pays-Bas et l’Autriche, afin notamment de préciser l’étendue et les modalités de la non-prise en compte des jours télétravaillés. Ces accords précisent par ailleurs les modalités d’imposition des indemnités versées au titre de l’activité partielle. L’avenir dira si de tels accords sont également nécessaires du côté français.

Visuel de Une (illustration DR)

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