Les ventes aux enchères

Les ventes aux enchères prospèrent, sauf celles des œuvres d’art

Malgré la morosité économique, les maisons de ventes aux enchères enregistrent un nouveau record en 2014. Mais ce sont surtout les ventes de véhicules d’occasion et de chevaux qui progressent, tandis que le marché de l’art stagne.

Des vases chinois et des tableaux de maîtres adjugés sous les projecteurs de l’hôtel Drouot, des voitures d’occasion vendues aux enchères dans des hangars sans âme de la banlieue de Toulouse ou de Lorient et des yearlings monnayés sur un sable parfaitement ratissé, à l’ombre de l’hippodrome de Deauville : ces trois activités disparates forment le marché singulier des ventes volontaires de meubles.

Ce secteur que l’on réduit un peu rapidement au seul « marché de l’art » emploie 2 400 personnes, réparties au sein de 408 opérateurs de ventes volontaires, héritiers des commissaires-priseurs, dont le statut a été libéralisé en 2000.

Il ne faut pas confondre ces sociétés avec les commissaires-priseurs judiciaires, chargés de liquider, en les vendant au plus offrant, les biens meubles des sociétés en faillite.

Le marché des ventes volontaires relève d’une autorité de régulation, le Conseil des ventes volontaires (CVV), présidé par une personnalité « qualifiée » nommée par le ministère de la Justice. Depuis 2011, la fonction est dévolue à la conseillère d’Etat Catherine Chadelat, qui s’était distinguée en 2010 par un rapport très sévère sur le fonctionnement de la holding Drouot, haut lieu des ventes parisiennes. Chaque année, le CVV doit publier un rapport d’activité. Ce document est généralement considéré comme un bilan de santé du « marché de l’art », même si, on l’a vu, trois marchés radicalement différents sont regroupés sous l’autorité de l’institution.

Léger recul pour le marché de l’art

Cette année, les nouvelles sont bonnes, a assuré le CVV à la presse, le 11 mars : les ventes aux enchères « continuent globalement de résister malgré un contexte économique peu porteur ». Pour la première fois, en 2014, « le montant total adjugé a atteint les 2,5 milliards d’euros », poursuit l’instance. Le chiffre d’affaires a augmenté de 2,2% par rapport à 2013, ce qui constitue « une progression notable, mais inférieure à la moyenne des onze dernières années », qui s’élève à 3,4%. Cela reste une belle performance. Toutefois, les ventes d’art et d’objets de collection ont tendance à s’éroder régulièrement depuis quinze ans. Ce secteur forme aujourd’hui la moitié des enchères, les « véhicules d’occasion et matériels industriels » en fournissant 44% et les chevaux 6%. En 2003, juste après la dérégulation, l’art représentait 55% du marché, le matériel d’occasion 41% et les chevaux 4%.
En 2014, le marché de l’art proprement dit recule de 1,1%, revenant à son niveau de 2011. Depuis 2006, le marché stagne, provoquant parfois quelques titres alarmistes dans la presse spécialisée, sur le mode « le marché français est un nain face à des géants ».

« Il ne faut absolument pas dramatiser », tonne Catherine Chadelat. « Nous ne sommes pas dans la catastrophe, même s’il y a certaines interrogations. Pour les arts et antiquités, la France se défend bien », poursuit-elle, citant la vente, en mars 2014, de la collection personnelle du marchand d’art déco et d’art nouveau Félix Marcilhac, chez Sotheby’s, à Paris. Les enchères avaient totalisé 24,7 millions d’euros, trois fois plus que les estimations. La présidente du CVV rappelle aussi « les très belles ventes de véhicules de collection », l’année dernière. En novembre, à Fontainebleau, des effets ayant appartenu à Napoléon ont suscité un intérêt médiatique certain, et un bicorne porté par l’empereur a même été adjugé 1,5 million d’euros. Toutefois, pour Philippe Briest, co-président de la maison de ventes Artcurial, « ces petits marchés ne feront jamais le poids face à une vente de tableaux contemporains à New York ». Le marché de l’art dépend, selon lui, beaucoup du pouvoir d’achat des acheteurs. « On ne produit qu’un Picasso par siècle, alors qu’il y a 150 milliardaires supplémentaires par an. Ils ont fait fortune rapidement. Et il leur faut un tableau, quel qu’en soit le prix », analyse-t-il.

A Paris, selon l’enquête menée auprès des sociétés de vente par le CVV, Artcurial se partage l’essentiel du marché avec les deux géants Sotheby’s et Christie’s, filiales françaises des sociétés basées respectivement à New York et à Londres.

Si Sotheby’s et Artcurial ont réussi leur année 2014, le chiffre d’affaires de Christie’s a en revanche régressé de 4%. Les vingt sociétés de ventes réalisant le plus important chiffre d’affaires dans le secteur de l’art sont toutes situées en Ile-de-France. Le CVV a même calculé une « dépense par habitant », montrant qu’en Ile-de-France le montant adjugé en 2014 atteint 81 euros par habitant, alors qu’il ne dépasse les 12 euros dans aucune autre région. Le calcul est toutefois artificiel, puisqu’une bonne partie des objets achetés le sont par la clientèle internationale.

Le cheval séduit les pays émergents

Si les ventes d’art ne se portent pas aussi bien que ne l’espèrerait Catherine Chadelat, les deux autres marchés connaissent une forte croissance. Les véhicules d’occasion et matériels industriels n’ont jamais été aussi demandés, avec plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires (+5,1%). Les sociétés telles que VP Auto, à Rennes, ou Mercier automobiles à Marcq-en-Barœul (Nord), qui ont désormais pignon sur rue et sur Internet, revendent des flottes de véhicules détenues par des entreprises ou des sociétés de location. Le même ratio de « dépenses par habitant » fait émerger la Bretagne (68 euros) et Midi-Pyrénées (47euros) comme les régions où le chiffre d’affaires rapporté à la population est le plus élevé, devant l’Ile-de-France (39 euros).

Si les spécialistes de ventes aux enchères ne trouvent pas assez de prestige aux adjudications de voitures d’occasion, ils peuvent se consoler avec les chevaux. Ce troisième secteur se porte à merveille. 144 millions d’euros ont été adjugés l’an dernier, ce qui représente une hausse de 10,8%, la progression moyenne étant de 8%, par an, depuis 2003. Plus de 90% du chiffre d’affaires est réalisé par la seule maison de vente Arqana, située, comme toutes ses concurrentes, à Deauville (Calvados). Le succès « doit beaucoup aux pays émergents », précise Philippe Augier, maire (UDI) de la cité balnéaire normande, qui fut l’un des fondateurs d’Arqana. « Le cheval est présent dans toutes les cultures. Dès qu’un pays émerge, des courses sont organisées, et le marché décolle », souligne-t-il. A Deauville, tous les espoirs sont tournés vers la Chine, où les courses sont encore interdites, alors qu’elles prospèrent à Hongkong et à Macao.

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