Maître Patrick Le Donne :

Maître Patrick Le Donne : "Lever toute ambigüité sur internet"

Spécialiste des nouvelles technologies, il a participé à la création du site du CNB sur lequel les justiciables pourront obtenir des consultations en ligne avec un avocat

- Pourquoi le Conseil National des Barreaux a t-il décidé d’ouvrir une plateforme ?
Le CNB a entrepris cette démarche pour répondre aux besoins des justiciables afin de prendre sur internet la place qui est celle des avocats et non pas celle des braconniers du droit. Car des sites marchands ont été créés ces dernières années en estimant qu’ils avaient la possibilité de donner des consultations à la place des avocats et en laissant croire à des justiciables ou à des clients qu’ils avaient en face d’eux des juristes professionnels.

- Vous voulez donc lever toute ambigüité ?
Depuis des années, le CNB a attaqué ces braconniers qui utilisent les faiblesses d’internet. Certains vont jusqu’à facturer des prestations qui devraient être gratuites, comme la fourniture d’un formulaire Cerfa que l’on peut récupérer sur le service public de la justice en .fr ou .com. Plusieurs de ces sites ont d’ailleurs été condamnés.

- Mais, avec cette plateforme,le CNB va sur le même terrain que les sites que vous dénoncez...
La différence, c’est que sur notre plateforme, le justiciable est sûr d’avoir en face de lui un avocat en exercice inscrit à un barreau français, qui est titulaire du secret professionnel, d’une assurance pour sa responsabilité, et qui dans les conseils qu’il donne va répondre avec sa compétence, sa déontologie et ses règles professionnelles. A partir du 31 mai, lorsque vous allez vous connecter sur la plateforme du CNB, vous aurez toutes ces garanties.

- Quels seront les tarifs ?
Cela va de la gratuité, comme on la pratique déjà dans le cadre de consultations dans le bureau des Ordres, au CDAD ou dans nos cabinets, en fonction de l’état des ressources de nos clients et du bénéfice des aides juridictionnelles. Et des consultations seront payantes, en fonction de la complexité des dossiers, des spécialités et des pratiques des avocats.

-  Ne craignez-vous pas une ubérisation du métier ?
On n’a pas peur de l’ubérisation de la profession. Il y a un grand principe : le partage d’honoraires n’est pas possible avec d’autres personnes que les avocats ou les professionnels du Droit. Ces sites commerciaux font de l’exercice illégal de notre profession. Ils ne peuvent demander une rétribution ou partage d’honoraires, une contribution ou commission pour le partage des frais avec un avocat, sinon ce serait contraire aux principes essentiels de notre profession et aux règles déontologiques.

- Qui animera cette plateforme ?
Elle fonctionnera avec tous les avocats qui veulent s’y inscrire et y participer. Le but, c’est de mettre à mal ces sites sur lesquels le client ne peut pas être garanti de recevoir un conseil fiable d’un avocat. On n’est d’ailleurs même pas sûr que ce ne soit pas des algorithmes qui donnent des conseils par probabilité...

- Y aura t-il des avocats azuréens sur le site du CNB ?
Je pense que certains de mes confrères si ce n’est tous seront intéressés. On n’a jamais interdit à des avocats de créer leur propre site. Le grand principe, c’est de respecter notre déontologie et notre règlement intérieur national.

- La réponse sera en temps réel, par dialogue avec un avocat, ou alors en « différé » par écrit en attendant un retour ?
Deux possibilités. Soit le justiciable prend rendez-vous sur la plateforme, qui répond que tel avocat va vous contacter sur telle plage horaire, et vous pourrez alors bénéficier d’une consultation directe comme dans un cabinet. Ou alors, à votre choix, vous aurez un renseignement écrit qui sera donné sur les bases des informations que vous aurez données sur des consultations simples, comme par exemple quel juge saisir pour obtenir une pension alimentaire, ou des consultations plus étoffées si nécessaire.

- Quels seront les tarifs ?
La loi Macron du 6 août stipule que les conventions d’honoraires sont obligatoires avant toute prestation. Elles seront donc possibles en lien sur notre site. Les honoraires sont déterminés librement entre les parties, comme en cabinet, selon le degré de prestation souhaité par le justiciable.

- La Cour d’Appel vient de relaxer le dirigeant de Demanderjustice.com Irez-vous en cassation ?
Ce dossier a été mené par le parquet, avec des faiblesses, il faut bien le reconnaître. Sur le plan pénal, c’est discutable. Sur le plan civil, des sites ont été condamnés à fermer et à ne pas utiliser le nom d’avocat, ni à pouvoir saisir directement les juridictions. Il y aura vraisemblablement pourvoi, c’est ce qu’indiquent le Barreau de Paris et le CNB.

Photo : JMC / Maître Patrick Le Donne.

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