PHILIPPE ALEXANDRE : (...)

PHILIPPE ALEXANDRE : TAILLEUR DE COSTUMES PENDANT 30 ANS à LA RADIO

Ses chroniques étaient attendues par les auditeurs et redoutées par les politiques pour qui il faisait du "sur-mesures". Son regard - aiguisé - sur cette rentrée 2016

Dans quel état se trouve la France aujourd’hui ?
Vaste question ! Pour nous consoler, disons que tous les pays sont un état au moins aussi sérieux que nous. Ce qui me frappe, c’est que nous traversons une crise morale, que nous avons du vague à l’âme, alors que les Français sont normalement un peuple optimiste et joyeux. Soudainement, on a l’impression qu’ils sont atteints d’un gigantesque coup de blues. Mais enfin, notre pays ne se porte économiquement pas plus mal que les autres pays européens, et plutôt mieux que le Brésil, que la Russie et peut-être même mieux que les USA.

A en croire les sondages, la gauche a beaucoup déçu. La droite aurait-elle fait mieux à sa place ?
Les Français adorent critiquer leurs gouvernements, et nous les journalistes sommes payés pour cela. Franchement, je ne sais pas si la droite aurait mieux fait.

Routiers, SNCF, Nuits debout, agriculteurs, pilotes, manifestations… Ce pays est-il réformable ?
Pour réformer, il faut du caractère, mais aussi profiter du moment propice. Mendes-France avait parlé de six mois d’état de grâce après l’élection. Mais, depuis plusieurs présidentielles, on a l’impression que le nouvel élu vit un moment si merveilleux qu’il en oublie ses promesses et son programme…

Les primaires entre Sarkozy et Juppé, vous les sentez comment ?
Il y a entre eux, et depuis longtemps, des comptes à régler qui risquent d’être saignants. Je pense qu’aujourd’hui les Français ont plutôt envie d’un homme sage, rassurant, une sorte de père de la nation, plutôt que de quelqu’un à la vie dissolue et qui fait trop dans la communication. Président sérieux : Sarkozy ne donne pas tout à fait cette image…

On a bien compris votre préférence pour Alain Juppé. Un mot sur Nicolas Sarkozy ?
Il a été pris par cette heure éblouissante qui saisit tous les nouveaux élus. Il n’a pas fait les réformes qu’il faudra pourtant faire un jour. Il avait pourtant sous les yeux l’exemple du chancelier Shroeder, qui a fait pour son pays les réformes nécessaires, ce qui lui a finalement coûté sa réélection. C’est cela la politique faite avec dignité et panache.

Et François Hollande ?
Il a fait une bonne campagne en 2012, mais lorsqu’il a atteint la présidence, il n’était pas préparé à l’exercice du pouvoir. Ses réformes, d’ailleurs discutables, sont tardives, alors qu’à l’époque la gauche avait tous les pouvoirs. En 2017, les Français voudront un président qui ne sera pas forcément « normal » mais en tout cas qui sera prêt à réformer. Hollande est un homme sympathique, intelligent, mais il représente une grosse déception pour moi car il n’a pas la dimension présidentielle pour cette Vè République qui demande des personnalités exceptionnelles.

François Mitterrand, le dernier monarque, avait cette personnalité exceptionnelle. Votre jugement ?
Mon livre contient des chroniques réalisées pendant les deux septennats de François Mitterrand. Je n’en ai pas changé une virgule. Elles ont été écrites sur le moment, dans l’humeur. Ce président était un artiste qui avait un sens aigu de la politique. Même s’il a essayé de me faire virer de la radio, j’ai toujours été fasciné par le talent qu’il manifestait.

Pourtant, sous son règne, les affaires n’ont pas manqué…
Elles font partie de son héritage. Son attitude est à l’origine de la désaffection des Français pour la politique, qui est devenue nauséabonde. Rien n’a changé depuis. Regardez Cahuzac : comment cet homme, qui avait un compte en Suisse, a t-il pu accepter de devenir ministre du budget ? Je
n’arrive pas à comprendre. Nous sommes dans une monarchie incertaine, et depuis longtemps. C’est une pente naturelle, qui s’est toujours aggravée depuis 1958, d’abord sous De Gaulle, puis avec ses successeurs dont
Mitterrand. La dernière fois, c’était avec Chirac, lorsqu’il a fait coïncider élection présidentielle et législative pour éviter les risques de cohabitation.
Autrement dit, les Français sont depuis amenés à voter une fois pour rien.

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