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Patronat : le Medef réélit Laurence Parisot sans enthousiasme

  • le 5 juillet 2010

Réélue pour un mandat de trois ans à la tête du patronat, Laurence Parisot n’emporte pourtant pas l’enthousiasme de ses pairs. Elle cherchera désormais à mériter la confiance des patrons, et singulièrement de ceux qui dirigent les PME, en prônant la « compétitivité équitable ».

Ils ne se sont pas levés. Lorsque Laurence Parisot termine son discours d’unique candidate à la présidence du Medef, ce 1er juillet, les quelque 500 patrons et présidents de fédérations membres de l’assemblée générale l’applaudissent certes sans hésiter. Mais ils demeurent assis, un peu comme après une pièce de théâtre jouée sans conviction ni élan.
Le lieu de l’assemblée n’a pas été choisi au hasard. La halle Freycinet, vaste entrepôt ferroviaire bordant les voies de la gare d’Austerlitz, est depuis peu très prisée, aussi bien par les créateurs de mode que par les responsables politiques en mal de modernité. Valérie Pécresse y avait organisé son premier meeting de campagne avant les élections régionales. Dominique de Villepin y a lancé son nouveau parti politique. Le Medef veut sans doute montrer par ce choix son goût pour les lieux branchés et son attachement à l’histoire industrielle.
Mais la salle, malgré la fournaise qui règne au-dehors, ne s’enflamme pas pour sa présidente. Non que le score obtenu par Laurence Parisot soit mauvais : 458 voix sur 488 votants, soit près de 94% des suffrages exprimés, mais il faut aussi compter 75 abstentions. En 2005, la première femme élue à la présidence de l’organisation patronale avait obtenu 53% des voix, bien moins que cette année, mais elle était alors opposée à un jeune entrepreneur auvergnat et à un cacique de l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM), la puissante fédération qui faisait jusque là les rois au Medef. La nouvelle présidente incarnait alors la modernité, l’ouverture du patronat aux questions de société, le soutien à toute forme d’entreprise, qu’elle vienne des cités de banlieue ou des salons des héritiers.

« Des banalités, pas d’entrain »

En cinq ans, la donne a changé. Le départ précipité, et dans de mauvaises conditions, de plusieurs collaborateurs de haut niveau a terni l’image de la patronne des patrons. Ces dernières semaines, plusieurs voix s’étaient exprimées, mettant en cause la capacité de Laurence Parisot à incarner l’ensemble du patronat. Ancien vice-président de l’organisation, aujourd’hui président du groupe de réassurance Scor, Denis Kessler, s’est surpassé. Peu habitué à mâcher ses mots, le penseur libéral avait lâché : « Quand les gens en France n’ont pas fait un bon mandat, ils veulent généralement en faire un second ». Surtout, l’UIMM n’a jamais pardonné à Laurence Parisot, présidente de l’institut de sondages IFOP, d’avoir succédé au « métallurgiste » qu’était Ernest-Antoine Seillière. Prête à torpiller la présidente à l’automne dernier, la puissante fédération a toutefois renoncé à présenter un candidat, peut-être pour éviter de braquer les projecteurs, en pleine crise économique, sur un patronat désuni. Deux autres candidatures, jugées peu sérieuses, ont également échoué. Le patron de PME, Thibault Lanxade, 39 ans, a finalement abandonné et la présidente du mouvement Ethic, Sophie de Menthon, a laissé passer le délai de candidature.
Juste après son élection, manifestement émue, Laurence Parisot semble comprendre la nécessité de rassembler les patrons, ceux des PME comme ceux du CAC 40, les libéraux comme les dirigistes, les provinciaux et les parisiens. Son discours, prononcé avant le vote, prend en compte cette réalité. Les très petites entreprises, présentées comme un « gisement de richesses futures », ont le mérite de « réconcilier chacun avec l’entreprise », assure Laurence Parisot. Pour faire bonne mesure, un passage de son discours s’attaque au « système abracadabrant » que constituent les lois sur les 35 heures. « Comment certains ont-ils pu croire que ce qui se faisait difficilement en 39 heures se ferait aisément en 35 ? » lance la présidente du Medef, en constatant, à l’intention du pouvoir actuel : « la réforme des 35 heures n’est pas achevée ». Le débat sur les retraites génère « un mensonge de la même farine », poursuit-elle. Ainsi, « il a plu à certains de nos compatriotes de croire pendant plus de trente ans que nous saurions défier les lois de la démographie ». Ces saillies, habituellement prisées par les adhérents du Medef, ne génèrent toutefois que quelques applaudissements polis. Au milieu du discours, le patron d’une fédération, en proie à l’ennui, envoie à un journaliste un SMS en forme de couperet : « des banalités, pas d’entrain ».

Risques de protectionnisme

La relative indifférence de son auditoire n’empêche pas Laurence Parisot de livrer son analyse de la crise actuelle. L’incertitude pourrait selon elle générer « des retombées nationalistes, protectionnistes et populistes ». La solution consiste, dès lors, à lutter contre « la tradition idéaliste » de la France et à maîtriser « les déficits et la dette » qui, « s’ils perduraient, nous conduiraient inévitablement à un appauvrissement collectif ». Toutefois, l’organisation patronale n’entend pas se laisser « abuser par le schéma simpliste » consistant à trancher entre « politique de relance » et « politique d’austérité ». Le vrai choix, ajoute Laurence Parisot, oppose « compétitivité » et « marasme ».
Réélue, conformément aux statuts du Medef, pour un mandat de trois ans succédant à son premier mandat de cinq ans, la présidente esquisse, dans son propos, une ébauche de programme pour les années à venir. La « compétitivité équitable », nouveau credo, consiste à « promouvoir l’égalité des chances entre entreprises de différents pays », mais également « entre les générations ». La patronne des patrons promet aussi son implication dans la campagne électorale de 2012, comme elle l’avait fait en 2007. Personne ne lui demande qui elle soutiendra ni comment. Mais à presque deux ans de l’échéance, à peine réélue, elle fait savoir qu’Eric Woerth fait « un excellent ministre du Travail ».

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