Forfait jours des cadres

Forfait jours des cadres : où en est-on ?

Le forfait jours instauré par la loi Aubry II fait encore parler de lui. Les
contentieux portent sur le paiement des heures supplémentaires des cadres soumis à ce régime. Dans une récente décision, la Cour de cassation rappelle les règles à respecter : l’accord collectif qui institue le forfait jours doit contenir des mesures permettant d’assurer « le respect des durées maximales du travail et des droits au repos journalier et hebdomadaire » du salarié, il ne peut renvoyer cela au contrat de travail.

Instauré par la loi du 19 janvier 2000 relative aux 35 heures, le forfait jours a ouvert la possibilité de rémunérer certains salariés en fonction d’un nombre de jours travaillés dans l’année, en abandonnant les références applicables aux autres catégories, à savoir le seuil de 35 heures hebdomadaires au-delà duquel démarrent les heures supplémentaires, ainsi
que les maxima de 10 heures de travail par jour et de 48 heures par semaine. Toutefois, afin de prévenir les abus, la loi a prévu des garde- fous.

Ainsi, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l’année doit être prévue par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la
durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions (C.trav.art. L 3121-39). Pour les forfaits en jours sur l’année, le nombre de jours travaillés dans l’année fixé par l’accord collectif ne peut excéder 218 jours (C.trav. art. L 3121-44).
La convention, établie par écrit, requiert l’accord du salarié (C. trav. art. L 3121-40). Enfin, un entretien annuel individuel doit être organisé par l’employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre activité professionnelle et
vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération (C.trav. art. L 3121-46).

A quatre reprises depuis 2000, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) a pointé du doigt la France relevant que ce système des forfaits jours violait la Charte sociale européenne, puisqu’il pouvait entraîner des horaires déraisonnables (allant même au-delà des 48 heures hebdomadaires, la seule obligation étant de respecter 11 heures par jour de
repos).

Précisions

Plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont récemment été rendus.

Le 29 juin dernier (pourvoi n° 09-71.107), la Haute juridicition avait utilement rappelé que toute convention de forfait en jours doit être prévue par « un accord collectif » dont les stipulations « assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ». Autrement dit, l’employeur ne saurait, de sa propre initiative mettre en œuvre une convention de forfait jour. De plus, la chambre
sociale précisait que le droit à la santé et au repos figure au nombre des exigences constitutionnelles. Et d’ajouter que, selon les directives européennes, les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Or, dans cette affaire, si le cadre du forfait jour prévu par l’accord collectif de la métallurgie était protecteur du salarié, il n’avait pas été respecté par l’employeur. Dans ces conditions, le salarié pouvait prétendre au paiement des heures supplémentaires.

Autre précision, si les conditions prévues par la convention ou l’accord collectif ne sont pas strictement réunies, le salarié ne peut bénéficier du système de forfait jours et serait ainsi en droit de réclamer le paiement des heures supplémentaires (Cass. soc. 3 novembre 2011, pourvoi n° 10-14637).

Suivant les articles L 3121-45 et L 3121-39 du Code du travail, le nombre maximum de jours travaillés doit être prévu, d’une part, par l’accord collectif ou la convention de branche, et, d’autre part, par la convention individuelle signée entre l’employeur et le salarié. En pratique, il convient de défalquer de 365 jours le nombre annuel de samedis et dimanches (104 jours), le nombre de jours fériés de l’année considérée ainsi que la durée des congés
payés résultant de la loi ou la convention collective. Mais, quel doit être le nombre de jours de congés payés retenu en cas de congés conventionnels ? Pour la Cour de cassation, « les jours d’ancienneté conventionnels doivent être pris en compte pour la détermination du nombre de jours travaillés sur la base duquel est fixé le plafond propre à chaque convention de forfait, le cadre titulaire de cette convention pouvant bénéficier, en cas de dépassement du nombre de jours travaillés correspondant à ce plafond, d’un nombre de jours de repos égal à ce dépassement » ( Cass.soc. 3 novembre 2011. pourvoi n° 10-18762).

Et, lorsqu’un salarié est malade, un employeur peut-il lui imposer une récupération ?

Non, répond la Cour de cassation . Les salariés concernés par une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions des articles L 3121-10 et 34 du Code du travail ; les dispositions de l’article L 3122-27 de ce même code sont donc applicables aux conventions de forfait en jours. « Le retrait d’un jour de réduction du temps de travail en raison d’une absence pour maladie a pour effet d’entrainer une récupération prohibée » (Cass soc. 3 novembre 2011. pourvoi n° 10-18762).

Contenu de l’accord

Enfin, dans un arrêt du 31 janvier (pourvoi n°10-19.807), la chambre sociale vient de confirmer sa position : l’accord collectif qui institue le forfait jours doit contenir des mesures permettant d’assurer « le respect des durées maximales du travail et des droits au repos journalier et hebdomadaire ». L’accord ne peut renvoyer cela au contrat de travail. De plus, il doit
définir les modalités de mises en œuvre du forfait (ce qui n’était pas le cas, en l’espèce). En d’autres termes, l’accord collectif doit au minimum prévoir : les modalités de mise en œuvre de la convention de forfait et de contrôle de la charge de travail du salarié, le nombre de jours travaillés, les dispositions assurant le droit au repos du salarié. En aucun cas, la convention ne peut se contenter de renvoyer au contrat de travail. Faute de respecter ces eléments, le salarié peut prétendre au paiement de ses heures supplémentaires.

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