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Pour les rares lecteurs qui ne maîtriseraient pas l’idiome japonais, voici la traduction du titre : « Je suis désolé ! ». Tel est le contenu de la contrition dont l’un des Vice-présidents de Tepco, l’opérateur nucléaire de Fukushima, s’est fendu presque un mois après le début des hostilités. Des excuses « pour les inquiétudes et les problèmes que nous causons à la société en raison de la fuite de matières radioactives dans l’atmosphère et l’eau de mer ». Oh, ce n’était pas nécessaire, monsieur le Vice-président : il n’y a pas de vagues « inquiétudes » qui ne se dissolvent dans un bol de saké, ni de menus « problèmes » dont la technologie nipponne ne sache venir à bout. Et puis, disons-le tout net : est-ce vraiment un problème qu’une ville soit rendue inhabitable pour plusieurs générations, que l’air soit durablement irrespirable à des dizaines de kilomètres à la ronde et que l’océan soit à ce point irradié qu’il suffit de le regarder pour tomber raide ? Tout cela ne mérite pas l’ébauche de la moindre appréhension. Un accident est un accident, voilà tout ; c’est la faute à pas de chance.

Pour nous autres Européens, qui connaissons surtout du Japon les particularités culturelles véhiculées par les arts et la littérature, la litote compassionnelle de Tepco nous laisse sans voix. Nous en sommes restés à l’image du samouraï, que la moindre indignité condamnait au sacrifice de sa vie. Cela ne signifie pas que l’on aurait souhaité que les hauts dirigeants de Tepco s’auto-étripassent ; mais leurs regrets désinvoltes sonnent comme une monstrueuse insulte. Tel est sans doute le résultat de l’imprégnation américaniste : aux States, après avoir commis n’importe quel forfait, il suffit d’avouer que l’on est « désolé » pour que l’incident soit clos. C’est plus rapide et aussi efficace que de réciter deux pater et trois ave. Certes, les Français seraient malvenus de se montrer critiques : voilà longtemps qu’ils ont adopté l’euphémisme rédempteur, en transformant les casseurs en « sauvageons » et leurs exactions en « incivilités ». En outre, si tous les responsables avaient dû se faire hara-kiri à chacune de leurs bévues, nos campagnes seraient saturées de viscères élitaires. Heureusement, tel ne sera jamais le cas, grâce à la vieille jurisprudence du « responsable mais pas coupable ». Finalement, les cadres péteux de Tepco ne font que de copier sur leurs petits copains.

La recette du jour

Repentir express

Voilà trop longtemps que votre belle-mère vous hérisse le poil. Décidez-vous à l’oublier au fond de la cuve à mazout. Puis déclarez publiquement que vous êtes désolé : vous serez promptement dédouané. Pour donner foi à votre repentir sincère, adoptez le chienchien de belle-maman et rebaptisez le Tepco. Puis abandonnez le chauffage au fioul et optez pour le tout-nucléaire.

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