A l'Etat-providence, (...)

A l’Etat-providence, regrets éternels

Voyez combien les mêmes faits sont différemment perçus selon les latitudes où ils se produisent. Latitudes géographiques ou politiques. Dans n’importe quel pays occidental, des licenciements massifs sont perçus comme une calamité. Ce qu’ils sont d’autant plus que l’offre de travail se raréfie avec les délocalisations, et que les indemnités de chômage s’étiolent avec l’impécuniosité publique. A Cuba, comme le rappelle ce matin Le Temps avec gourmandise, l’annonce récente par l’Etat d’un dégraissage considérable de ses personnels (il est le seul employeur officiel) a sonné comme les hautbois et résonné comme les musettes qui célèbrent la naissance du Divin Enfant. Une telle décision est en effet synonyme de la légalisation implicite de l’entreprise individuelle, c’est-à-dire la reconnaissance officieuse de l’économie de marché : l’avènement du capitalisme dans une « révolution de velours  ».

A Cuba, l’entreprise privée était déjà tolérée et soumise à taxes ou à bakchichs. Des entreprises unipersonnelles, sans capital et à irresponsabilité illimitée, tenues par les hommes dans le trafic de cigares frelatés, par les jeunes femmes dans le plus vieux métier du monde et par les moins jeunes dans la restauration à domicile, où l’on sert un brouet de langouste et du bouilli de poulet américain (doté de cuisses de dinde et d’un goût de contrebande). Le tout au prix du caviar à Saint-Pétersbourg. Grâce à la nouvelle révolution, les trafiquants se disent désormais négociants et les gagneuses peuvent se déclarer coiffeuses ou manucures, ce qui est plus honorable pour leur réputation et celle du pays. On observera avec curiosité que le même événement marque l’apostasie de deux idéologies opposées : la fin de l’Etat-providence signe à Cuba l’agonie du dernier bastion communiste de la planète ; ailleurs, il met à mal la croyance enracinée dans les vertus du capitalisme de marché. Finalement, l’Etat-providence est une sorte de panacée anesthésiante, qui rend supportable n’importe quel dogme et ses outrances. Il n’est pas certain que la disparition généralisée de ce médicament-miracle soit une bonne nouvelle pour les sociétés…

La recette du jour

Popote à la cubaine

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