Bercy versus Malthus

Bercy versus Malthus

Au moment où ils décident de divorcer, les époux jugent la plupart du temps que le mariage n’est pas une bonne affaire. Et le divorce lui-même peut se révéler calamiteux pour l’un d’entre eux, si l’autre parvient à le déplumer par des prestations compensatoires pharaoniques. Cela ne les empêche pas pour autant de tenter de nouveau l’aventure à la première occasion, confirmant ainsi la sentence célèbre de Samuel Johnson : « Un seconde mariage est le triomphe de l’espérance sur l’expérience ». Pour peu que le couple ait des enfants, ceux-ci causent des difficultés supplémentaires lors de la séparation. Et engendrent des coûts additionnels d’autant plus irritants que la progéniture n’est plus d’un bon rendement fiscal, depuis que les douceurs du quotient familial ont été rabotées à la cognée. Il en est résulté un phénomène qui bouleverse la donne sociologique : lorsque les riches étaient fiscalement récompensés pour leur famille nombreuse, leur fortune se retrouvait divisée à la succession. Maintenant qu’ils supportent la charge prohibitive des moufflets sans la bienveillance reconnaissante du Trésor, ils se montrent parcimonieux dans leur descendance, et la fortune se concentre dangereusement. Une mauvaise lecture de Malthus, qui recommandait de lutter contre la misère en empêchant les pauvres de se reproduire. On parle ici de temps anciens où la copulation hors mariage était politiquement incorrecte, voire pénalement réprimée.

Et voilà que le Gouvernement, poussé à la nécessité d’économiser les bouts de chandelles, entend supprimer le dernier avantage consenti à l’appariement. Le principe des trois déclarations, l’année du mariage, qui permettait de laminer la charge fiscale grâce au choix judicieux de la date de l’union, devrait disparaître dès la fin de cet exercice. Et pour faire bonne mesure, le même principe applicable l’année du divorce sera lui aussi abandonné. Il en résulte que la collectivité n’encourage plus ses membres à s’engager dans la vie de couple grâce à une prime fiscale ; elle refuse également d’adoucir leurs tourments financiers lors qu’ils sont contraints à la séparation. Il faut vraiment que les finances du pays soient mal en point pour en arriver à de telles extrémités, qui n’ajouteront que quelques picaillons aux recettes budgétaires. Et vont multiplier les vocations au célibat et à l’abstinence. Pour ajouter à leur désarroi, les cohortes de nouveaux vieux garçons ne pourront plus parader dans les rutilants 4x4 de société pour épater les nouvelles vieilles filles : ces véhicules subiront désormais la taxation à laquelle ils échappaient jusqu’à ce jour grâce à une finasserie réglementaire. Voilà le futur profil de la France : une nuée de cyclistes célibataires. Et pas un seul tandem à quatre roues motrices.

La recette du jour

Famille composée sauce Bercy

Le mariage devenant une source exclusive d’embarras, et le divorce une interminable litanie de pensions alimentaires, convertissez-vous au célibat forcené. Et proposez à vos voisins une adoption blanche, moyennant un bakchich raisonnable. Vous y gagnerez suffisamment pour financer le surcoût du nouveau 4x4 que vous prête gracieusement votre entreprise.

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