Emergence de l'intégrisme

Emergence de l’intégrisme budgétaire

En matière de prêt d’argent, il y a une règle élémentaire que même les usuriers de la Prohibition américaine respectaient scrupuleusement : face à un débiteur défaillant, l’objectif principal du créancier est de récupérer, au moins, le capital. Les gros bras des banquiers officieux usaient certes de l’intimidation par la violence, mais il leur importait de laisser en vie le débiteur tant que la dette n’était pas soldée. Sauf en cas de rébellion ouverte de l’emprunteur ou de ruine consommée : son exécution constituait alors un exemple pour tous ceux qui auraient songé à se soustraire à leurs obligations.

On peut se demander si l’Europe n’est pas en train d’adopter l’intégrisme barbare des usuriers mafieux. Certes, il existe déjà un dispositif prévoyant qu’un Etat en « déficit excessif », au sens des protocoles communautaires, est passible d’une pénalité financière à verser à la caisse commune. Mais jusqu’à ce jour, la sanction n’a jamais été appliquée, les premiers contrevenants ayant été des nations puissantes de la Zone. Ce qui a permis d’occulter l’absurdité d’un tel dispositif : un pays ayant trop de déficit est condamné à accroître sa dette, donc à s’enfoncer dans les difficultés et à s’exposer à de nouvelles pénalités. Ainsi donc, après des années de bienveillance popote à l’égard des contrevenants insoucieux sous une conjoncture favorable, voilà qu’il est question de saisir le tribunal et d’exécuter les sentences prévues par le Code, alors que les nations impécunieuses traversent une crise d’une intensité exceptionnelle. Voilà une curieuse conception de la solidarité, cette valeur supposée constituer le ciment de l’Europe. Surtout que dans le même temps, les Etats-Unis adoptent une stratégie strictement opposée, avec un recours massif au levier budgétaire – qui enfle des déficits déjà monstrueux – et un usage immodéré des rotatives monétaires – qui menace de noyer le système financier sous une inondation de dollars. Un tel contexte devrait donner de l’animation aux entretiens présents de Shanghai, où se réunissent le FMI, la Banque mondiale et les banquiers centraux. S’il devait résulter un accord crédible de points de vue aussi divergents, c’est que les grands argentiers auront été touchés par la grâce. Entre nous, il faut une foi de charbonnier pour croire à une telle issue.

La recette du jour

Dîner à la G-B Shaw

Vous êtes perclus de dettes mais vous possédez l’œuvre intégrale de G-Bernard Shaw. Relisez-le et vous êtes sauvé : « Si je dois dix livres à ma banquier, je ne dors plus ; si je lui dois 100 livres, c’est lui qui ne dort plus ». Retrouvez ainsi le sommeil et la satiété. Car selon la Faculté, qui dort dîne.

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