Espiègleries sénatoriales

Espiègleries sénatoriales

Nos élus vont cette année la mériter, leur dinde de Noël. Voilà qu’ils ferraillent sans relâche autour du projet de loi de Finances, les uns pour protéger la vertu gestionnaire dont l’a parée le Gouvernement, d’autres pour se protéger eux-mêmes contre la grogne de leurs électeurs, tous pour tenter d’exister dans le débat démocratique moderne, où la représentation nationale joue le rôle des décorations sur le sapin de saison. Ils ont raison, les protestataires : être contraint à la parcimonie quand on est habitué à la prodigalité, voilà qui est déplaisant. Ils ont tort, de la même façon, de chipoter la distribution de pralines sans renoncer à la truffe dans le foie gras – bien que « la perfection n’ajoute rien à perfection ». Et tout ce chahut s’avèrera vain quand l’Elysée décidera de siffler la fin de la récréation. Le débat parlementaire est confit de conventions : il faut discutailler pour n’être pas taxé de godillot, mais ne pas se montrer effronté au point de risquer le bannissement.

On observera que le foyer de cette bronca d’opérette se situe au Sénat, qui pourtant ne passe pas pour un vivier de turbulence révolutionnaire. Mais qui a fini par courber l’échine face à la volonté gouvernementale de supprimer la réduction des charges sociales sur les emplois de maison. Une mesure assurément scandaleuse, car elle ne rend pas moins coûteuse le paiement au noir de son petit personnel. Ils savent compter, à Bercy. Mais nos Sénateurs continuent le combat, heureusement. Car il est prévu, figurez-vous, de limiter à 30% du revenu d’activité la fameuse « retraite-chapeau », cette douceur pour les vieux jours que l’entreprise offre souvent à ses dirigeants méritants. Ce serait en effet décourager le risque auquel ils sont exposés, de se faire débarquer avec pour tout viatique un simple parachute doré. Effrayant. Et cerise sur le gâteau, il est question de soumettre à l’impôt les indemnités perçues au titre du préjudice moral, lorsqu’elles dépassent le million d’euros. Le Sénat s’honore en refusant véhémentement à l’Etat de profiter sournoisement de la souffrance morale de nos riches indemnisés. Car le pécule de la sentence arbitrale est aujourd’hui l’un des deux seuls moyens résiduels de faire rapidement fortune. Le deuxième est le vol.

La recette du jour

Ripaille à la fortune du préjudice moral

Vous avez compris la vanité de vos efforts pour devenir opulent. Déclenchez la chicane avec un riche institutionnel et réclamez par arbitrage une grosse indemnité pour préjudice moral. Quand vous l’obtiendrez, partagez-la discrètement avec votre adversaire. Et si le Trésor réclame sa part, mettez-vous à l’abri sous les jupes des Sénateurs.

deconnecte