G-B : la Reine détimbrée

G-B : la Reine détimbrée ?

Si vous croyez qu’il est facile de privatiser une entreprise publique, vous vous mettez le doigt dans l’œil. D’abord, il ne reste plus grand-chose, en Europe, à proposer à l’appétit insatiable des investisseurs : la grande tornade de privatisation déclenchée dans les années ’80 a largement dépouillé les Etats de leurs possessions. La cession massive des bijoux de famille a bel et bien donné un coup de fouet à l’activité – et aux indices boursiers. Maintenant que la poussière est retombée et que les effets du cordial sont épuisés, les nations se retrouvent principalement riches de leurs dettes. Si bien que la cession des quelques possessions publiques résiduelles relève désormais de la nécessité. Non sans soulever des oppositions farouches et des difficultés insoupçonnées. Comme à la Poste. Oh, pas la nôtre : il n’est pas question de la privatiser. Enfin, pas avant la fin de l’année. Et de toute façon, nos Postiers pensent qu’ils ne peuvent pas être plus malmenés dans le privé qu’ils le sont aujourd’hui sous statut public. Non, il s’agit de la Poste anglaise.

Il est en effet question pour la Grande-Bretagne de se séparer de Royal Mail, comme elle l’a déjà fait depuis longtemps de British Rail, avec le succès que l’on connaît : les trains britanniques sont depuis lors devenus aussi confortables, aussi ponctuels et aussi sûrs que ceux du Zimbabwe. Mais beaucoup plus chers. Avec la Poste, un sujet de prime importance fait aujourd’hui l’objet de discussions acharnées et de négociations serrées : peut-on imposer aux futurs repreneurs privés de maintenir sur les timbres l’effigie de… la Reine ? Car le portait du monarque en exercice trône sur le courrier anglais depuis 1840. Et pour les Britanniques, rien n’est plus important que de maintenir les traditions convenables, en ce compris le culte iconographique du Souverain régnant. On se doute que ce point capital soulève des questions de droit d’une complexité redoutable. Et peut-être aussi des questions d’argent : peut-on imposer à un postier privé d’exploiter le portrait de la Reine, et en même temps de payer des royalties à la Couronne ? Pour une question aussi vulgaire, le billettiste sera privé à perpétuité de l’Ordre de la Jarretière. Bien fait pour lui.

La recette du jour

Courrier à l’anglaise

Vous êtes Reine d’Angleterre et les roturiers du gouvernement envisagent de privatiser la Poste royale. Ne soyez pas shocking. Exigez que votre portrait demeure sur les timbres, moyennant une modeste redevance. En cas de refus, annoncez que Buckingham Palace adressera désormais ses vœux par e-mail. Privée ou publique, la Poste ne s’en relèvera pas.

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