L'Ange Mozilo au paradis

L’Ange Mozilo au paradis

Vous vous souvenez de la banque américaine Countrywide ? Difficile de l’oublier. L’Histoire la retiendra pour son rôle éminent dans le déclenchement de la crise financière. C’est en effet la première à avoir généralisé le crédit « subprime », cette technique de financement hypothécaire consistant à prêter de l’argent sans se préoccuper de la solvabilité de l’emprunteur. Au motif que la valorisation du bien acquis constitue une garantie suffisante : si les traites ne sont pas honorées, il suffit à la banque de saisir le bien et de le revendre pour récupérer ses billes. De le revendre plus cher qu’il n’a été acquis, bien entendu : c’est une variante de la martingale de Ponzi, susceptible de fonctionner sans dommages autres que ceux infligés aux débiteurs, tant que les prix immobiliers évoluent à la hausse. Quand cette dernière s’interrompt, ce qui est aussi prévisible que le cycle des saisons, la machine se grippe. Le père Madoff ne faisait pas autrement, sauf que sa méthode reposait sur une technique expressément prohibée par la règlementation. En foi de quoi a-t-il payé sa chute d’une peine de 150 ans de prison.

Tel ne sera pas le cas d’Angelo Mozilo, patron de Countrywide jusqu’à sa banqueroute et son rachat par Bank of America. Aux termes d’une instruction qui dure depuis plus de trois ans, le procès n’aura pas lieu. Le cas vient d’être réglé par… une transaction. Moyennant une amende de 87.5 millions de dollars – dont 20 payés directement par Bank of America, selon les termes de son parachute de sortie – Mozilo pourra tranquillement jouir du solde de ses gains (500 millions) accumulés à la tête de la firme. Comment est-ce possible ? L’explication la plus convaincante a été depuis longtemps avancée par Paul Jorion, dans un post de son blog du 23 mai 2008, titré « banalité et immoralité ». La réalité toute nue, c’est que cette issue se révèle la plus appropriée (pour emprunter à la langue ordinaire de J-C Trichet) pour les deux parties. Qui disposent, d’un point de vue strictement juridique, d’arguments également défendables : la loi bancaire étant écrite par les banques elles-mêmes, on se doute qu’elle comporte quelques portes dérobées. Même si l’amende en cause est la plus élevée de l’histoire (pour un particulier), Mozilo pourra maintenant dormir en paix. Quant au ministère public, il échappe au risque de voir l’accusé blanchi par le Tribunal. Car si les pratiques incriminées sont reconnues par tous comme étant immorales, elles ne sont pas nécessairement qualifiables d’illicites. C’est le business, coco.

La recette du jour

Pasta all’Angelo

Vous avez compris depuis longtemps que dans les affaires, la morale ne nourrit pas son homme. Pratiquez votre business à la façon d’Al Capone et ne mégotez pas sur les honoraires d’avocat. Quand arrivera la chute, négociez l’armistice avec la Justice : jusqu’à 10% de votre magot, vous aurez réalisé une excellente affaire. Et vous savourerez votre immoralité jusqu’au Jugement dernier.

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