L'ivresse de la dette

L’ivresse de la dette

Ce qui est intéressant, dans la finance contemporaine, c’est que le spectacle est permanent. Ces derniers mois, vous étiez scotché à votre écran de cotations en compagnie d’une bouteille d’ouzo, pour suivre le feuilleton à rebondissements des emprunts grecs. Le scénario est un peu moins bien ficelé que celui de l’Antigone de Sophocle, mais l’issue est également prévisible : une tragédie se termine toujours mal – c’est la loi du genre. On attend donc avec impatience le baisser de rideau sur la faillite de la Grèce, matérialisée par une restructuration de sa dette, qui fera l’objet d’un nouveau psychodrame (un vrai, celui-ci, car tout le monde fait semblant de croire que le pays peut encore sauver ses créanciers, en réduisant ses citoyens à la mendicité). Des pages émouvantes restent donc à écrire. En attendant se profile, dès aujourd’hui, un entracte du même tonneau que vous pourrez suivre en direct en vous réchauffant d’un irish coffee : l’Irlande va essayer de placer sur le marché deux emprunts de maturité moyenne (4 et 8 ans). A quelles conditions ? Ce sera la surprise de la journée. Oh, le papier trouvera preneur, puisque les banquiers peuvent toujours se refinancer sans difficulté auprès de l’Institut d’émission. Mais le prix exigé devrait se situer dans la catégorie des taux usuraires, témoignant ainsi du degré de confiance que les financiers accordent à ce pays. Et enfonçant un peu plus ce dernier dans les filets de l’impécuniosité.

Car l’Irlande est également au bout du rouleau. Même maladie que la Grèce : trop de dettes, qu’il faudra se résoudre à traiter par la saignée. Celle des prêteurs, bien entendu. Vous pouvez toujours penser que le fameux Fonds européen de stabilité financière, institué pour épauler les membres défaillants, volera au secours d’Athènes, puis de Dublin. Mais ce Fonds est crédité de (grosses) promesses de dons à effectuer par de faux amis eux-mêmes déplumés. Une sorte de Téléthon dans lequel les contributeurs penseraient que les malades se soigneront tout seuls, grâce à la magie du soutien virtuel de leurs potes. L’histoire est charmante mais, bon, n’essayez pas d’endormir vos bambins en la leur racontant : ils n’y croiront pas. Pas plus qu’ils ne croiront à celle que vous leur raconterez en sirotant un seau de porto, quand viendra l’heure de Lisbonne de tendre la sébile. C’est pour bientôt. Mieux vaudrait que les producteurs interrompent la série avant d’y introduire l’Italie. Car si vous devez vous taper tous les vins de la Botte, vous n’aurez pas assez de vos économies pour entretenir votre cirrhose du foie.

La recette du jour

Rations de survie en cavalerie

Vous avez claqué vos ressources dans un train de vie de maharadja. Offrez vos proches en garantie contre du crédit. Si cela ne suffit pas, demandez la caution de vos amis, puis de vos voisins, qui vous aiment bien. Quand on exigera de vous de mettre votre âme au clou, refusez tout net : vous serez alors libéré de vos dettes et de votre mauvaise conscience.

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