La chaîne, la brioche (...)

La chaîne, la brioche et le quincailler

On sait depuis longtemps que la solidité d’un système se mesure à celle de ses maillons les plus faibles. Vous pouvez toujours protéger votre maison de serrures sophistiquées : si les portes sont encastrées dans des murs de papier mâché, vous finirez par perdre vos Picasso, votre argenterie et vos provisions de bouche. Et votre assureur refusera de banquer. Il en va de même dans la grande machinerie économique : vous pouvez toujours inventer des techniques de caution alambiquées, pour les emprunteurs qui n’ont pas un radis. Mais quand ils ne pourront même plus régler l’intérêt de leurs dettes, ce qui finira fatalement par arriver, les créanciers seront alors confrontés au doute métaphysique le plus grave des financiers : l’incroyable légèreté de leur fortune, soumise à la bonne volonté des pauvres auxquels ils ont prêté leur bon argent. « Si je dois dix livres à mon banquier, disait G. B. Shaw, je ne dors plus ; si je lui dois mille livres, c’est lui qui ne dort plus ». Voilà maintenant pas mal de temps que l’insomnie s’est installée dans les coffres-forts planétaires.

Les premiers maillons faibles de l’Europe ont été endommagés ; quelques points de soudure veulent laisser accroire que la solidité de la chaîne est rétablie, au mépris des lois de la physique financière. Dans le même temps, des nations émergentes qui supportaient jusqu’alors le joug politique de leurs dirigeants et le licol économique du FMI, sont soudainement gagnées par l’exaspération. Les populations ne parviennent plus à vivre, même mal, à cause de la hausse vertigineuse du prix des matières de base. Dont la responsabilité est essentiellement imputable à la spéculation financière, celle-là même que les principaux opérateurs, récemment réunis à Davos, ne veulent pas voir réglementée, et encore moins interdite. Une nouvelle histoire de la brioche de Marie-Antoinette, dont on sait comment elle s’est achevée. Lorsqu’une chaîne ne comporte que des maillons faibles, ce n’est pas une lampe à souder qu’il faut rechercher. Mais un bon quincailler.

La recette du jour

Menu Marie-Antoinette

Vous avez loué votre exploitation agricole à une grossiste en locations, qui l’a relouée à un détaillant, lequel l’a concédée à un club de polo. Depuis que ses membres ont mangé leurs chevaux, vous ne percevez plus de loyer. Réapprenez dare-dare la culture du blé. En attendant la farine de vos brioches, régalez-vous de salade de pissenlits et de bouillon d’orties.

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