Le latex en érection

Le latex en érection

Vous êtes convaincu que la spéculation est un jeu dangereux, et vous n’avez pas tort : il est très rare que les bulles se dégonflent gentiment. Elles ont plutôt tendance à éclater et provoquent alors un carnage parmi les derniers entrants sur le marché. Mais la spéculation est un jeu (presque) sans risque pour quelques grandes banques, celles qui disposent de services de prévision jugés crédibles par les opérateurs. Il suffit alors pour ces établissements de prendre des positions sur tel ou tel marché, à la hausse ou à la baisse, et de publier dans la foulée une étude qui le valorise ou le déprécie. En gestion boursière, le principe de base est simple : suivre la tendance. Que les arguments avancés soient pertinents ou ésotériques. Si bien que lorsque la chaudière est mise en route, il suffit d’aller à la soupe en croisant les doigts pour que la gamelle ne déborde pas avant d’avoir rassasié les pyromanes.

La banque Goldman Sachs est une spécialiste reconnue de la chaudière, activité qu’elle revendique avec la moralité d’une mère maquerelle et les méthodes policées d’un commando de Marines. Elle s’est illustrée, en particulier, dans la conception et la propagation des toxines liées aux crédits subprime et à ses dérivés. La dernière en date de ses compétitions spéculatives concerne le latex. Au motif que le marché serait menacé de pénurie par les pluies qui ralentissent sa collecte, alors que la demande serait promise à un rebond à cause de la reprise économique et des besoins des Chinois, bien sûr, qui achètent des véhicules comme nous des baguettes de pain. Du coup, les cours ont explosé sur la bourse de Tokyo et les fabricants de pneumatiques annoncent une hausse substantielle de leurs tarifs. Cette argumentation de bastringue fait fi des réalités les plus prosaïques : le phénomène récurrent de La Niña amène toujours, en cette saison, des pluies abondantes dans les principales régions de production. Quant à la « reprise », elle continue d’avoir le profil de l’Arlésienne. Certes, la demande chinoise atténue l’effondrement de celle des pays occidentaux ; mais l’offre était encore excédentaire l’année dernière. Et les immenses nouvelles plantations d’hévéas en Asie vont bientôt entrer en production. En attendant, le cartel des principaux fournisseurs est suspect de raréfier artificiellement l’offre pour protéger ses revenus. Bref, le latex est devenu hors de prix. Au point que tous les boxons de la planète vont devoir majorer leurs tarifs. Pas très sympa, Goldman Sachs !

La recette du jour

Soufflé de rossignols

Les placards de votre cuisine regorgent de produits périmés. Ne les jetez pas. Au contraire, aidez vos voisins à éliminer les leurs et stockez-les. Annoncez alors une pénurie prochaine de conserves frelatées et vendez vos rossignols au prix fort. Avec les profits, vous aurez enfin les moyens de chausser vos limousines de pneus neufs.

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