Le sac à malices

Le sac à malices

Faut-il croire que l’interdiction faite au site eBay de laisser commercialiser certains produits de luxe, dont une large part de contrefaçons, a dopé les affaires des marques concernées ? C’est ce que l’on serait fondé à supposer au vu de l’information surprenante reprise par tous les médias : l’enseigne Vuitton aurait décidé de fermer ses magasins français une heure plus tôt, jusqu’à la fin du mois de novembre, par crainte de se trouver en rupture de stocks lors des fêtes de fin d’année – période traditionnelle de forte demande pour ce type de produits. On ne sait si l’information en cause provient de la direction de LVMH. Mais le site du journal L’Humanité cite la confidence d’une… vendeuse parisienne, selon laquelle les ateliers de fabrication, qui tourneraient au maximum de leurs capacités, ne peuvent pas suivre la « très forte demande ». C’est assez curieux, tout de même : on avait cru comprendre que le commerce des produits de luxe avait, cette année, pris une grosse gamelle dans notre pays. A moins que le marasme ait épargné les cabas sophistiqués, à ce point représentatifs de la culture française que les touristes ne nous quitteraient pas sans en acquérir une cargaison, comme vous le faites avec le nougat lorsque vous passez à Montélimar. Ou alors, peut-être certains les stockent-ils dans leur coffre-fort comme d’autres les napoléons, dans l’attente d’une prochaine dévaluation.

On se réjouit donc de cette bonne fortune, qui garantit aux ateliers de fabrication (exclusivement français) du travail intensif jusqu’à… eh bien au moins jusqu’à la fin du mois de janvier prochain. D’autres y voient des perspectives encore plus réjouissantes, comme cet analyste cité par le même journal, pour lequel « c’est un nouvel indicateur de la poursuite d’une très forte demande pour le secteur et d’une dynamique loin d’être cantonnée à la seule Asie émergente ou au rebond des Etats-Unis ». Diable ! Il faut donc comprendre ceci : quand les affaires du pékin sont difficiles, il se précipite dans le premier magasin de luxe pour acheter un sac à son épouse, et une jolie montre pour lui. Enfin, c’est ce que font les analystes, apparemment. Et aussi les traders, sans doute. Pour les autres, et pour être franc, on n’y croit pas trop, au syndrome du transfert d’angoisse sur l’achat compulsif d’accessoires coûteux. Si bien que la belle histoire de rupture de stocks nous paraît, tout à coup, suspecte de sortir du studio d’un quelconque Walt Disney de la communication. Mais enfin, au cas où ce serait authentique, on va aller tout de suite quérir le sac promis à madame pour son Noël. Car s’il n’y en avait plus en temps voulu, les conséquences seraient bien plus dommageables que les calembredaines éventuelles d’une grande firme française...

La recette du jour

Crottin de chèvre façon Louis V.

Vous fabriquez à la main du fromage de chèvre moulé à la petite cuiller et siglé à vos initiales. Avant la crise, vous n’en vendiez pas beaucoup ; désormais, ce serait plutôt moins. Annoncez que, submergé par la demande, vous n’ouvrirez plus que deux heures par jour. Et augmentez vos prix. Le résultat n’est pas garanti, mais au moins ferez-vous des économies de personnel.

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