Migration des tyranneaux

Migration des tyranneaux

Le tyranneau commun comporte plusieurs espèces, qui présentent toutefois des caractéristiques voisines : silhouette courtaude, grosse tête, dents longues et petits pieds. Plus répandu dans les régions chaudes que sous les latitudes tempérées, le tyranneau est un rapace farouchement sédentaire : il ne quitte son nid que contraint et forcé par les rigueurs du climat. Du climat social, s’entend. Sa réputation de gloutonnerie résulte d’une approximation coutumière aux ornithologues : si le tyranneau s’approprie une grosse part des ressources de son territoire, c’est moins pour assouvir ses besoins personnels que ceux de sa nombreuse progéniture – tels le bokassus interruptus d’Afrique noire et le kadhaficus demens du désert libyen –, ou sa tribu familiale pléthorique – comme le benAli-trabelsius carthaginois, dont quelques spécimens suffisent à causer autant de ravages qu’une nuée de sauterelles. Pourtant, les conventions internationales protègent ces nuisibles tant qu’ils restent au nid (principe de non-ingérence). Mais dès qu’ils sont obligés de le quitter, la chasse est ouverte (principe du vae victis) : une meute de barbouzes tente alors de piquer au migrateur le maximum du fric qu’il a planqué pour sa retraite.

S’il parvient à conserver une partie significative de ses rapines, le tyranneau hiberne ad vitam sous des cieux hospitaliers. Dans le cas contraire – lorsque les banques suisses sont contraintes de bloquer ses sous, par exemple– il est bien obligé de sortir de sa tanière dorée. On le voit alors reprendre son vol (en classe économique) vers les terres qu’il a autrefois saignées, et il va offrir sans vergogne aide et compassion aux populations qu’il a autrefois torturées. Ainsi procèdent les nombreuses sous-espèces qui prospèrent en Haïti, parmi lesquelles le Baby-Doc, doté d’une résilience remarquable et d’une étonnante longévité (il peut muter en Papy-Doc et vice-versa). Voilà qui donne foi aux vieux mythes selon lesquels certains pays sont maudits par les dieux. Et abandonnés des hommes, dont les dirigeants ont depuis longtemps sacrifié tout sentiment moral au pragmatisme barbare d’une realpolitik épicière.

La recette du jour

Fortune migratoire

Votre quotidien étriqué vous afflige. Entourez-vous de sicaires et prenez le pouvoir. Pillez allègrement vos contemporains et bakchichez les potentats voisins pour qu’ils vous fichent la paix. Quand vos concitoyens seront ratatinés, fuyez à l’étranger et profitez de votre magot immérité. Si vos hôtes vous détroussent, revenez au pays et recommencez : l’Histoire repasse les plats.

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