Pour 4,9 milliards (...)

Pour 4,9 milliards de plus

Eh bien ! Voilà que la Justice française vole la vedette au prévenu le plus médiatisé depuis de nombreuses années. En infligeant au jeune Kerviel, jugé coupable par pensée, par parole, par action et par omission, une sanction qui pourrait laisser une trace singulière dans la jurisprudence. Pas vraiment pour la peine de prison : d’autres que lui, dans des affaires internationales du même tonneau, avaient encouru un verdict plus lourd, bien que les dégâts occasionnés fussent plus légers. Mais c’est l’énormité des dommages et intérêts, équivalents au franc le franc à la perte totale qu’a subie la Banque, qui soulève un flot d’interrogations. La sanction est économiquement absurde, puisque l’ancien trader, malgré ses talents avérés de bidouilleur, ne pourra jamais l’honorer sur son patrimoine et ses revenus, même s’il inventait la martingale permettant de gagner le gros lot à tous les tirages du Loto. Tout au plus ce contexte peut-il autoriser la Banque à lui pourrir la vie jusqu’à la fin de ses jours.

La sanction sera immanquablement commentée du point de vue juridique. Car la Tribunal a blanchi la Générale de toute responsabilité dans l’affaire. Bien que la Commission bancaire, le garde-chiourmes de la corporation, ait en son temps relevé que « de graves défaillances ont eu lieu dans le suivi et le contrôle de premier niveau hiérarchique de l’opérateur. » Et infligé à la Banque l’amende conséquente (4 millions). Que soient ainsi négligés les avis d’experts patentés et dotés d’un pouvoir réglementaire, voilà qui est inédit dans le paysage judiciaire. Et va donc susciter la suspicion. S’agissait-il de protéger l’institution bancaire tout entière, alors que son état de santé soulève de légitimes préoccupations ? La décision ne saurait permettre à la Générale d’inscrire, même partiellement, les 4.9 milliards en cause dans son bilan : la créance est attestée (sous réserve de l’appel en cours), mais elle est illusoire sur le plan comptable. En revanche, que la Banque ait été blanchie de tout manquement à ses diligences pourrait avoir une autre conséquence : celle de l’autoriser à actionner ses assureurs, s’il s’avérait que de tels risques aient été couverts d’une façon ou d’une autre. Il n’est pas extravagant d’imaginer qu’un établissement puisse se prémunir contre les agissements frauduleux de l’un de ses agents. Auquel cas cette décision ne serait pas un mauvais coup pour Kerviel, qui ne pourra pas payer, mais pour les compagnies qui garantissent la Banque. Ce n’est qu’une hypothèse, évidemment, et peut-être est-elle sans fondement. Mais au vu de l’enjeu, il serait surprenant que les développements du feuilleton ne se résument pas à l’argument principal du scénario : une énorme affaire d’argent.

La recette du jour

Truffes à la financière

Vous avez un chien truffier prometteur. Otez-lui sa laisse et lâchez-le dans la forêt. Tant qu’il vous ramène du tuber melanosporum en masse, dormez sur vos profits. Si par zèle il vous gave d’amanites phalloïdes, accusez-le de rage démoniaque et noyez-le. Puis touchez la prime d’assurance.

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