Soldes à Hongkong

Soldes à Hongkong

Si vous passez à Hongkong en fin de mois, arrêtez-vous un moment pour les soldes. Pas dans les magasins – tout y est hors de prix, surtout la sympathie pour les Occidentaux, que les autochtones ont aimablement baptisés les « longs nez ». Non, c’est à la Bourse qu’il faut aller, où se préparer une (très) grosse introduction : l’assureur AIA, filiale asiatique de la firme américaine AIG. Tout le monde connaît cette world company, surtout depuis qu’elle s’est brûlé les ailes au soleil des « subprime » et que l’Etat fédéral a dû la recueillir dans sa salle de soins intensifs. Mais il faut maintenant rembourser l’Oncle Sam. Au dernier pointage, AIG lui devrait encore 182 milliards de dollars. De dollars américains, s’entend, pas de dollars de Hongkong qui valent à-peu-près huit fois moins. Il faut donc sacrifier quelques bijoux de famille et l’ex-géant yankee est prêt à se défaire du maximum de titres d’une filiale promise à un bel avenir, dont il estimait récemment la valeur à 35-37 milliards. Avant d’abaisser ses prétentions à 28-30 milliards face aux chipotages des acheteurs potentiels : en Asie, les vautours n’ont pas de leçons à recevoir de leurs compères de Wall-Street.

De fait, c’est le fonds d’investissement KIA, propriété de l’Etat koweitien, qui a donné le « la ». Il s’est engagé à souscrire pour 1 milliard de dollars pour peu que ce soit vraiment une bonne affaire. Les Américains, qui sont au pied du mur, ont dû faire profil bas. Si bien qu’aux nouvelles conditions (objectivement attrayantes), les hommes d’affaires locaux, qui ne manquent ni de cash ni d’appétit, vont probablement se gaver de papier. On mesure l’état de nécessité dans lequel se trouve AIG à la nature des contreparties qui ont été exigées du fonds d’investissement koweitien. Puisque ce dernier va acquérir, à bon compte, le statut d’actionnaire significatif, il sera soumis à une obligation de conservation de ses titres : procédure courante dans ce type de deal, qui aide au confort de la gestion en stabilisant le périmètre actionnarial. Et savez-vous combien de temps KIA doit rester actionnaire ? On vous le donne en mille : six mois. Pour un fonds d’investissement qui a vocation à placer ses excédents à long terme, afin de protéger les générations de l’après-pétrole, le long terme s’est singulièrement rétréci. Et pour les managers américains, qui ont le feu aux caleçons avec des cohortes de créanciers sur leur paillasson, un semestre de respiration assistée représente maintenant une éternité. Le Nouveau Monde est méchamment essoufflé.

La recette du jour

Jardin chinois

Cultivez à la houe votre jardin de caillasse. Vendez à vil prix les plus beaux légumes à vos riches voisins. Avec les profits, rachetez les outils sophistiqués dont ils n’ont plus besoin, puis les terres dont ils n’ont plus que faire, puis les dettes dont ils ne peuvent se défaire. Quand ils n’auront plus que leur âme à vendre, cultivez la métaphysique.

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