Une grosse à Wall Street

Une grosse à Wall Street

Ah bon, vous n’êtes pas banquier à Wall Street ? C’est dommage. Car vous auriez pu programmer la réfection de la toiture de votre château, ou acheter un gros caillou pour le Noël de madame. Voire les deux à la fois. L’industrie financière américaine s’apprête en effet à verser à ses employés – c’est-à-dire, pour l’essentiel, à ses cadres – une grosse de milliards de dollars. La grosse faisant douze douzaines, ça nous donne donc 144 milliards en primes, bonus, stock-options et pécule de vacances, sans doute, pour paraphraser le capitaine Haddock. 144 milliards que vont verser les 35 premières institutions financières, selon les calculs du Wall Street Journal : c’est encore mieux que l’année dernière, qui avait pourtant signé un record des bonus alors que l’Amérique tout entière était encore hébétée par la première vague de la crise. La crise continue, mais pas dans la finance. A tout le moins, pas pour ceux qui la font tourner. Ce sont des magiciens, penserez-vous, des alchimistes ? Il n’y a donc pas de Kerviel chez eux pour plomber leurs comptes ? Ils transforment tout en or (qui monte) avec leurs dollars (qui baissent) ? Ils génèrent des bénéfices monstrueux pour leurs établissements ?

Eh bien, à y regarder de près, pas vraiment. Certes, les profits sont bien présents au bilan. Pas aussi élevés qu’en 2006, avant la crise, où le casino financier avait craché un gros jackpot. Juste après, ce sont les contribuables qui ont craché au bassinet. Mais l’ensemble des firmes concernées par l’étude a dégagé un bénéfice de… 63.5 milliards. Moins de la moitié des bonus. C’est-à-dire que dans une industrie notoirement sous-capitalisée, où l’actionnaire devrait être choyé pour l’inciter à remettre au pot, le staff se sert grassement et ne laisse que quelques miettes à la rémunération des actions. Comme si les managers s’employaient à vider la caisse avant de mettre la clef sous le paillasson. L’histoire est surprenante dès lors que des dispositions réglementaires ont, semble-t-il, été adoptées pour modérer la fringale des banquiers. Elle l’est d’autant plus que ces derniers sont maintenant accusés d’avoir procédé à d’innombrables saisies en toute illégalité – allant jusqu’à la fabrication de faux documents. Si les poursuites suivent leur cours normal, il va en résulter un coût monstrueux qui rendra ésotérique la grosse de bonus distribués. Convenons-en, les suites pénales ne sont pas certaines : aux Etats-Unis, le lobby bancaire a les moyens de se payer l’impunité. Mais si Obama cède à la pression que Wall Street exerce sur le Sénat pour se dédouaner de ses truanderies, on ne donne pas cher de la paix civile chez l’oncle Sam. Ça va barder…

La recette du jour

Retraite à la grosse

Vous craignez pour la retraite de vos enfants lycéens, qui défilent pour protéger les acquis de leurs aïeux du Neandertal. Exigez de votre entreprise un bonus d’une grosse d’euros par paire de profits. Si elle refuse, servez-vous. Si elle vous poursuit, achetez les juges. S’ils sont incorruptibles, migrez aux Etats-Unis. Et devenez banquier à Wall Street.

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