Ados : un eldorado

Ados : un eldorado

Pour sûr, les ados sont fatigants. C’est du moins l’avis général de leurs parents, qui ont le plus souvent oublié ce qu’ils étaient à la même période. Bien que, si l’on en croit le psychiatre californien Daniel J. Siegel, l’adolescence biologique se poursuive ordinairement depuis la puberté jusqu’au milieu de la vingtaine d’années. Mais selon ses propres observations, le billettiste croit pouvoir affirmer que l’adolescence comportementale peut durer beaucoup plus longtemps, sans que l’on connaisse avec certitude le rôle des hormones dans cette jouvence prolongée. En tout cas, Siegel minimise le rôle de l’orage hormonal pour expliquer le comportement adolescent, au profit de la tempête cérébrale – une nécessité biologique qui contribuerait à la fois à l’évolution individuelle et à celle de l’espèce tout entière. Contrairement aux apparences, les ados seraient des « hyperrationnels », qui expérimentent la nouveauté avec une approche statistique un tantinet téméraire. Un peu comme les ingénieurs financiers lorsqu’ils bricolent dans leurs ateliers de titrisation, faisant naître des produits qui sont sûrs avec une probabilité élevée, mais calamiteux quand les choses ne se passent pas tout-à-fait comme pronostiqué par les séries historiques. En somme, les ados sont les explorateurs de la nouveauté. C’est grâce à la transformation de leur cerveau que notre espèce peut aujourd’hui devenir adulte dans un environnement beaucoup plus évolué que celui de l’homme de Cro-Magnon : la preuve, nos armes guerrières sont autrement plus sophistiquées que la rustique massue.

Notre époque, qui sait mesurer le progrès à ce qu’il rapporte en monnaie sonnante et trébuchante, s’intéresse de près à la créativité adolescente. Celle qui permet de faire émerger des millionnaires à l’âge auquel l’immense majorité des jeunes se préoccupe davantage des bouffées d’hormones que de la mutation cérébrale – vous voyez ce que l’on veut dire. Une publication américaine vient de synthétiser les caractéristiques de ces ados-qui-réussissent. Ils ne sont pas moins obsessionnels que leurs congénères, et sans doute pas moins insupportables. Mais ils obtiennent généralement le soutien de la famille dans leurs projets alors que leur entourage – professeurs et camarades – leur prophétisent l’échec. Tous sont habités très tôt par leurs ambitions et sacrifient les jeux, la vie sociale et l’insouciance caractéristiques de la jeunesse. Et surtout, note l’ouvrage, tous sont dotés des gènes du « vendeur-né » : ils excellaient dans le négoce des cartes Pokemon quand leurs petits copains ne songeaient qu’à jouer au docteur avec la voisine. Voilà sans doute ce qui explique le malaise de la France contemporaine : nous aurons bientôt trop de médecins mais nous manquons cruellement d’entrepreneurs.

La recette du jour

Education mercanti

Vos ados sont ordinairement insolents, sûrs de leur fait et insupportables au quotidien. Pas de panique, c’est le processus biologique normal. Inutile de vous quereller avec eux. Encouragez plutôt leur potentiel énergétique avec une promesse : s’ils gagnent leur premier million avant de passer le BAC, ils auront droit à leur liberté anticipée. Ménagez-vous 50% de royalties sur leurs gains : on ne sait jamais, ils sont bien capables de réussir.

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