Banquet de saison

Banquet de saison

Et nous voilà partis pour la trêve des confiseurs. Encore que l’appellation soit ambiguë : nous entrons dans la période de l’année où les confiseurs travaillent à plein régime. Car les fêtes de Noël figurent au rang des incontournables pour les familles européennes en général, et françaises en particulier. Encore que les Irlandais soient les plus dépensiers pour l’occasion, si l’on en croit l’étude de Deloitte sur les intentions d’achat. Maintenant que vos emplettes sont bouclées, ou presque, il vous est possible de vous situer dans le paysage hexagonal : en moyenne, le ménage français va consacrer un budget de 531 euros au Noël 2013. Presque 1% de moins que l’année dernière, mais les enfants ne seront pas pénalisés : le Père Noël ne sera pas pingre avec eux, et la magie du sapin sera préservée. En revanche, ne soyez pas surpris, en tant qu’adulte, de la modestie de vos présents : le budget consacré aux grands subit la paille de fer. Les livres seront moins épais et les boîtes de chocolats plus légères. Si vous êtes amateur de cigares, conseillez donc au Père Noël de privilégier les havanes, avant l’augmentation programmée au début de l’année prochaine, qui rendra prohibitive la pétune cubaine.

Si les Français se montrent parcimonieux, c’est qu’ils ne sont pas vraiment confiants en l’avenir. Mais ils comptent bien se remonter le moral en ne lésinant pas sur le banquet familial : pas question de renoncer aux agapes traditionnelles. Ce sera donc à nouveau un déferlement de foie gras, de volailles chaponnées et de bûches à la crème au beurre – le poison le plus redoutable juste après la mort-aux-rats. On doit supposer que l’étude de Deloitte n’intègre pas les vins dans le menu de Noël. Car le budget annoncé n’autorise que des flacons sans grade ou un régime sec : mieux vaut se munir d’une flasque de secours si vous festoyez chez un professionnel de l’audit. Les économistes peuvent-ils tirer un enseignement sur le pouvoir d’achat des ménages français, à la lumière de ce que ces derniers acceptent de dépenser pour leur festin ? Leurs frais de bouche somptuaires sont-ils le témoignage de l’aisance de nos concitoyens ? On ne sait ce qu’en déduisent les comptables du budget de la ménagère. Mais on se souvient de ce que Marguerite Yourcenar, qui ne se souciait guère de l’intendance domestique, fait dire à son Hadrien : « S’empiffrer à certains jours de fête a toujours été l’ambition, la joie, et l’orgueil des pauvres ». Une saillie politiquement incorrecte, certes, mais plutôt pertinente. Selon quoi les grands écrivains peuvent être de meilleurs observateurs de la société que les statisticiens patentés. Joyeux Noël !

La recette du jour

Menu de Noël

Ne changez rien au menu que vous servez à Noël depuis la naissance de votre premier enfant : votre famille est sensible au respect des traditions. Tout au plus pouvez-vous remplacer la bûche par la lecture d’un passage de L’œuvre au noir. Yourcenar n’est pas plus légère que la crème au beurre, mais elle ne provoque pas de crise de foie.

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