Bercy et la quinte (...)

Bercy et la quinte flush

Voici un sujet de biologie économique pour les futurs candidats au bac : un système fiscal est-il soumis aux principes de l’évolution darwinienne ? La réponse est délicate, voyez-vous, car on manque encore de recul pour l’observation du phénomène : il n’y a pas si longtemps que l’impôt a abandonné sa structure primitive pour s’organiser en système complexe. Par comparaison avec les espèces animales, il en est aujourd’hui au stade du tyrannosaure géant. Mais c’est un dinosaure monstrueux, qui a conservé les caractéristiques de son état antérieur : il a des nageoires mais ne sait plus nager ; des ailes mais ne peut plus voler ; des pattes mais ne sait plus marcher. Il est féroce, boulimique, et doté d’un bon flair pour repérer ses proies. Mais il suffit d’un peu d’agilité pour échapper à ses mâchoires puissantes. Si bien qu’il ne se nourrit plus que de végétaux poussant sous son nez et de mollusques et rampants qui n’ont pas encore inventé le turbo. Normalement, dans un tel état, il ne devrait pas avoir survécu. Et pourtant…

C’est ce qui explique, en tout cas, que Bercy est menacé d’une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes. Entre les darwiniens invétérés qui comptent sur l’évolution de la bête, et les créationnistes qui croient nécessaire de la redessiner. En attendant, tout le monde s’emploie à lui trouver du fourrage. Et en ces temps de sécheresse conjoncturelle, ce n’est pas chose aisée : il faut prospecter tous les recoins ombragés. Nos défricheurs bercyniens viennent de découvrir une petite parcelle couverte de regain frais : les joueurs de poker. Il semblerait que certains en aient fait un métier et en vivraient confortablement, sans acquitter une once d’impôt sur le revenu. Normal, dit le Code général des impôts : les gains aux jeux de hasard sont exonérés. Seulement voilà : s’il est possible de tirer une rentabilité récurrente d’un jeu de hasard, ce n’est plus du hasard, n’est-ce pas ? Voyez par exemple la Bourse : elle ne diffère pas vraiment du casino. Mais si par extraordinaire vous y gagnez, vous êtes imposé. Et si par extraordinaire récurrent vous en tirez l’essentiel de vos ressources, les gains seront considérés comme des revenus du travail et taxés comme tels : la chance, c’est un métier. Avis à tous ceux qui gagnent régulièrement au 421 leur tournée d’apéritifs : ils seront bientôt taxés aux BNC.

La recette du jour

Tournée exonérée

Vous aimez taper la belote avec vos potes, les affronter à la pétanque et les défier aux Mille bornes. Surtout, ne mettez pas d’enjeu à vos innocentes compétitions contre le hasard : Bercy pourrait prélever sa part sur la tournée d’apéros. Pour jouer en sécurité, enfermez-vous dans votre coffre en Suisse. Ou bien restez chez vous et continuez à perdre régulièrement.

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