Bercy et le Sphinx

Bercy et le Sphinx

Pendant que vous avez les yeux rivés sur les cours de la Bourse, que vous craignez pour la santé de votre PEA alors que les lingots de grand-mère prospèrent sous son tas de charbon, pendant que vous envisagez de remplacer vos grands crus par des jéroboams d’essence, avant que le carburant ne devienne plus précieux que le Petrus 45, une valeur jusqu’ici négligée fait l’objet de toutes les convoitises. Il s’agit de Bercy. Figurez-vous que des hackers se seraient mobilisés pour percer les secrets de la forteresse. Car elle contiendrait la pierre philosophale qui va transmuter la chienlit internationale en jardin d’Eden. Ce serait en effet à Bercy que se concocte le plan d’enfer avec lequel la France, qui s’honore cette année de la présidence du G20, va méduser ses collègues du monde entier. Nul ne sait qui est responsable de cette attaque massive. Mais les sources autorisées, couvertes par l’anonymat, claironnent que les violeurs informatiques pourraient être Chinois. Pour le médecin de Molière, l’origine de tous les maux était le poumon ; pour les modernes médicastres, c’est la Chine.

Nul ne conteste la concentration de talents à Bercy. Même s’il est hasardeux d’en attendre des miracles. En tout cas, qu’il nous soit permis de délivrer un conseil gracieux à Pékin, pour satisfaire sa légitime curiosité. Plutôt que de mobiliser une logistique informatique coûteuse, et des hackers à la moralité de mère maquerelle, mieux vaut se connecter à WikiLeaks : on y découvre tout ce que l’on ignore, et même ce que l’on préfèrerait ne pas savoir. Sinon, il suffit de faire affréter un aéroplane par la Libye, en ce moment ouverte aux générosités, pour aller interviewer le Directeur des services de Bercy. Sous la menace de tortures atroces, comme de lui subtiliser sa carte orange, il doit être possible de glaner quelques informations. Et si l’on répugne à ces pratiques barbares, l’achat du Canard enchaîné devrait combler l’attente des plus indiscrets. Mais que ce soit bien clair : en aucun cas la moisson ne sera vraiment enrichissante. Car pour paraphraser Oscar Wilde, qui brocardait volontiers les femmes pour les raisons que l’on sait, Bercy est un sphinx sans secret.

La recette du jour

Mystère en soufflé

Rien n’est plus déprimant que de n’avoir rien à cacher. Pour échapper à l’horreur de l’anonymat, déclarez qu’une horde de comploteurs a tenté de vous arracher vos secrets. N’accusez personne mais laissez entendre qu’il pourrait s’agir des Martiens. Ou mieux encore, des Chinois. Vous aurez réussi une recette de grand chef : faire un mystère d’un rien.

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