Big Brothel

Big Brothel

Croyez-vous que ce soit par plaisir que les Américains s’évertuent à espionner la planète entière, à lire vos mails, écouter vos conversations, filmer vos déplacements, scruter vos comptes bancaires et fouiller vos poubelles ? C’est un sacré boulot, vous savez. Et il faut ensuite des légions complètes d’ordinateurs pour stocker les informations qui affluent à la cadence d’une crue du Danube. Titanesque. A ce rythme, il faudra bientôt virer les Américains de chez eux pour faire de la place aux disques durs qui archivent la vie quotidienne de chaque Terrien. A quoi ça sert ? Eh bien, c’est une bonne question et merci de l’avoir posée. Officiellement, ça sert à déjouer le terrorisme, depuis que la Ligue protectrice des animaux a interdit de poser des caméras dans le trou-de-balle des mouches mahométanes. Officieusement, le système permet de susciter des vocations de transfuges au sein de la CIA, lesquels vont tout cafter dans les hôtels de Hongkong. Il permet aussi de couvrir les diplomates yankees, qui trafiqueraient la drogue autour de l’ambassade de Bagdad et chasseraient la ribaude au Parc Royal de Bruxelles – un lieu splendide, à la frange duquel réside l’Ambassadeur des Etats-Unis. En résumé, le système de surveillance Prism permet de transformer en coupable n’importe quel pékin innocent, et à dédouaner les éminences compromises dans des affaires sulfureuses.

Mais nous autres Français disposons aussi de notre propre système de surveillance. Même si les RG et la DST n’existent plus en tant que tels, la DRCI les a accouplés et coiffe désormais le renseignement intérieur. Ce qui vous vaut d’être fiché si vous complotez contre le port du béret basque, ou si vous rédigez des billets ironiques dans la presse électronique. Mais ce n’est quand même pas la Stasi. En revanche, si vous êtes passé dans les rouages de la machine judiciaire, votre dossier est classé dans le fichier Stic (police) ou Judex (gendarmerie). Et mis à jour chaque fois qu’une convention d’arbitrage avec l’Etat vous accorde 403 millions d’indemnités bien méritées. Enfin, en principe. Car selon un récent audit de la Cnil, lesdits fichiers seraient aussi ordonnés qu’un étal de brocanteur. Et ils doivent être mariés pour devenir un TAJ commun (Traitement des antécédents judiciaires), ainsi promis à porter les innombrables tares génétiques de ses parents. En définitive, que ce soit aux States ou en France, l’institutionnalisation de l’espionnite ne génère pas un Big Brother. Mais plutôt un Big Brothel, c’est-à-dire un énorme boxon.

La recette du jour

Le passé décomposé

Vous avez gueulé « CRS, SS » dans les manifs d’étudiants de mai 68. C’est malin. Maintenant que vous êtes chef d’entreprise en vue, diplomate, haut fonctionnaire ou cardinal camerlingue, vos exactions adolescentes pourrissent toujours dans votre fiche des RG, voire dans votre dossier Stic ou Judex. Tenez-vous à carreau. Sinon vous risquez de finir à Guantanamo.

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