Eloge du jeûne

Nul n’échappe aux préjugés. Pas même les médecins indiens qui ont accueilli Prahlad Jani dans leur hôpital. Ce yogi de 83 ans prétend avoir vécu ses 70 dernières années sans boire ni manger, grâce à la rassasiante intervention d’une déesse pendant sa prime jeunesse. Un peu de soleil et beaucoup de méditation suffiraient à l’énergiser. Comme il n’a rien avalé pendant ses quinze jours d’observation, les médecins ont gobé la fable, pétris qu’ils sont du respect de la sagesse méditative. Touchant.

Le monde de la finance ressemble à celui de la médecine indienne. Ses participants entretiennent une telle foi dans le « marché » qu’ils suivent aveuglément sa direction. Au mépris du plus élémentaire bon sens. Il a suffi que les banques jouent « à la chaudière » sur les Bourses, au lendemain de l’annonce du plan de sauvegarde européen, pour que se répande la croyance en un retour imminent de la prospérité. Comme si un rayon de soleil allait pouvoir calciner les dettes accumulées.
Faute d’être d’une nature méditative, les opérateurs seraient bien inspirés de s’adonner à un tantinet de réflexion. Et de sortir leur calculette de son étui. Si l’on additionne des intentions solidaires à des promesses de caution, on obtient un événement médiatique spectaculaire. Mais pas d’argent. Il manque une gentille déesse pour transformer les vessies en lanternes.
L’ennui, c’est que nous ne sommes pas rompus à l’ascétisme des yogis. Même si nous avons maintenant compris qu’il nous faudra se serrer la ceinture, nous sommes bien incapables de jeûner pendant 70 ans, en regardant les banquiers banqueter sous notre nez.

 Riz Prahlad Jani*

Jetez une poignée de riz dans une écuelle. Ajoutez une poignée et demie d’eau et faites cuire au soleil levant. En attendant, plongez-vous en méditation. Au bout de 70 ans, le riz est cuit. Si vous n’avez plus faim, vous êtes peut-être anorexique : consultez sans tarder un médecin indien.