La bulle expliquée aux innocents
- Par Jean-Jacques Jugie --
- le 23 août 2010
Il est temps que le mois d’août s’achève. Car faute d’événements substantiels à se mettre sous la plume, les grands journaux sont contraints d’exploiter les informations les plus anecdotiques. Tout comme les chercheurs, du reste, dont la production estivale ne pétille pas de malice. Ceux des laboratoires d’œnologie et de thermodynamique de l’Université de Reims ont conjugué leurs talents pour nous offrir une découverte presque aussi stupéfiante que la couleur du cheval blanc d’Henri IV. Ils ont scientifiquement démontré, figurez-vous, que le champagne perd moins de bulles s’il est servi dans un verre incliné au lieu d’un verre tenu droit, ou bien s’il est servi en plusieurs étapes successives au lieu d’être déversé d’un seul coup comme un torrent dans un dé à coudre. Alors là, chapeau ! Il aurait suffi à nos chercheurs de sonder le plus inculte des barmen pour s’épargner des manipulations délicates et des dégustations coûteuses : le principe est le même que pour le service de la bière, où, depuis l’invention de la cervoise, l’inclinaison du verre pendant le remplissage permet d’éviter les débordements intempestifs occasionnés par le dégazage. Voilà pourquoi l’ambiance est ordinairement chaude dans les bars à bière : l’excès de CO2 dans l’air génère sans doute un réchauffement microclimatique (voilà un sujet à exploiter l’été prochain par un laboratoire de zythologie, s’il en existe un, en association avec Météo-France).
Cette tendance se généralise. L’impression qui domine, en ces temps compliqués, est que les autorités du monde entier s’acharnent à démontrer qu’ils ont redécouvert la roue. Et en conséquence que l’économie, en rade sur la route de la prospérité, va pouvoir reprendre sa course folle –pour le confort de tous dès que l’on aura réinventé le pneumatique. En foi de quoi pose-t-on comme avancée de la science gestionnaire le fait qu’une dette excessive expose l’emprunteur à la ruine, et que le budget d’un Etat se finance principalement par le prélèvement d’impôts. Il était temps que nos éminences le découvrissent, elles qui ont cru jusqu’alors que le crédit était une énergie renouvelable, et juré qu’il était hors de question de lever des impôts supplémentaires pour rembourser les dettes. Tout au plus convient-il maintenant de rebaptiser les connaissances anciennes pour les parer de nouveauté. On ne parlera plus désormais de l’histoire éculée de la pierre qui roule, mais on dira à la place : bière qui coule amasse mousse. Tchin-tchin !
La recette du jour
Nouilles hyperboliques
Vous avez invité une grande tablée mais oublié de faire les courses. Préparez une gamelle de pâtes au beurre et annoncez que vous avez inventé une nouvelle recette : les pâtons de poudre d’épi à la battue de crème de pis.