La supervision cosmétique

La supervision cosmétique

« Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission » disait Clémenceau. Depuis lors, aucune génération d’hommes politiques n’a oublié ce principe premier de la vie publique. Et les grandes démocraties contemporaines, qui ont épuisé toutes les finasseries dilatoires du répertoire, franchissent maintenant un pas supplémentaire dans l’art de l’atermoiement. Les Américains, par exemple, y vont de la loi. La « grande réforme de la finance » qu’a fait récemment voter Obama, après des semaines de tractations épicières qui ont vidé le projet originel de sa substance, est surtout « grande » par la taille du texte. Avec ses 2.600 pages, on comprend pourquoi le pays compte autant d’avocats : pour la simple étude d’un tel texte, tous les membres d’un même cabinet ne suffisent pas. Mais ceux des spécialistes critiques qui l’ont épluché sont formels : une moitié constitue de la poudre de perlimpinpin, et le système aura explosé bien avant que le premier décret d’application ne soit publié. Pour l’autre moitié, il s’agit d’un recueil, rédigé par les banquiers eux-mêmes, de dispositifs visant à renforcer les prérogatives qu’ils s’étaient déjà arrogées. Merci la réforme.

Pour ne pas être accusée de traîner la patte, l’Europe vient de hâter sa contribution à la réforme. En créant quatre « autorités de supervision financière », quatre nouveaux machins qui siègeront à Francfort, Londres et Paris, et qui auront vocation à être les sœurs Anne de la prochaine crise systémique. Donc chargés, à ce titre, de voir venir les embarras sans se laisser distraire par la route qui poudroie ni par l’herbe qui verdoie. Cela fera au moins quelques postes généreusement rétribués pour ces nouvelles vigies, dont la tâche auguste a été ainsi définie dans un communiqué emphatique du commissaire Barnier : « Cette nouvelle architecture de supervision est une étape essentielle dans notre effort pour tirer les conséquences de la crise pour mieux protéger notre économie et nos citoyens à l’avenir ». Eh bien, croisons les doigts. Sans renoncer à un brin de scepticisme : le grand chef de cette supervision n’est autre que le président de la BCE. Un homme en tous points remarquable, certes, compétent, humble, courtois et plein d’esprit – puisqu’il est Français. Mais qui n’a rien vu venir de la crise en cours. On se demande si au lieu de créer ces nouvelles autorités, il n’aurait pas été moins coûteux d’héberger des oies au sommet de l’Eurotower de Francfort, le siège de la Banque centrale. Elles auraient sans doute été aussi efficaces pour donner l’alerte, pour peu qu’elles connussent l’histoire de leurs ancêtres sacrées du Capitole.

La recette du jour

Oies à la Fichet-Bauche

Votre résidence palatine regorge de trésors. Renoncez aux systèmes de protection nocturne qui coûtent chaud et contraignent surtout les résidents. Achetez une chèvre, un coq et quelques oies. En cas de tentative d’intrusion, ces dernières se mettront à jacasser ; curieuse de tous les potins, la chèvre arrivera au galop et réveillera le coq qui donnera l’alerte. Si les oies jacassent sans motif, faites-en des confits.

deconnecte