Les secrets de Polichinel

Les secrets de Polichinelle

Avant de partir en vacances, vous devez prendre connaissance du secret le plus mal gardé de la planète : c’est la guerre en Afghanistan. Oui, d’accord, vous étiez vaguement au courant qu’une coalition, dirigée par les Etats-Unis, mobilise depuis des années des légions entières de soldats et de mercenaires, dotés d’un arsenal suffisant pour faire péter la planète et des impedimenta traditionnels qui accompagnent une armée multinationale. Mais vous ne saviez pas tout. D’abord, pourquoi sont-ils en guerre ? Bonne question, dont les assaillants on fini par oublier la réponse. Officiellement, il s’agit de réduire à néant une engeance redoutable, susceptible de mettre la planète à feu et à sang, à cause de ses liens supposés avec une organisation hypothétique nommée Al-Qaïda. Les armées d’occupation pourchassent donc sans relâche lesdits talibans, qui comptent sans doute trois douzaines de guerriers, peut-être moins ; mais le pays est vaste et les autochtones connaissent mieux les caches que les détecteurs électroniques yankees. En foi de quoi, au nom des valeurs universelles de la démocratie occidentale, le déluge de fer et de feu décime principalement les populations civiles, les troupeaux de chèvres et, de temps en temps, les soldats de la coalition. Cette guerre est une chienlit sans nom que les Américains et leurs alliés finiront par perdre piteusement, comme les Soviétiques avant eux et les Britanniques auparavant.

Tout cela, vous le saviez déjà ou vous l’aviez subodoré. Désormais, vous disposez des preuves, avec l’accès aux minutes accablantes d’un dossier qui constitue la plus belle cagade militaire de ce siècle. Le site Wikileaks a publié une compilation vertigineuse de documents réputés confidentiels – plus de 90.000 ! – soustraits à la bureaucratie vigilante de la première armée du monde, et ce pendant une période de cinq ans. Si le pékin américain n’était aussi occupé à retrouver un job, éviter la saisie de son logement, démazouter ses côtes ou traquer les soldes chez Wal-Mart, il serait probablement effaré par l’anarchie invraisemblable qu’est devenue l’administration de son pays, dissimulée sous une propagande digne des ex-démocraties populaires. Le plus cocasse dans cette affaire, c’est que l’orgueilleuse US Army, qui n’a confiance qu’en ses hommes et tient ses alliés à l’écart de toute information sensible, se soit fait dépouiller de tous ses secrets – ou presque. Si l’on était à la place du patron des services de renseignement, ce machin qui coûte les yeux de la tête aux contribuables, on commencerait à boucler sa valise. Et l’on partirait à Kaboul, pour s’y reconvertir dans l’élevage de chèvres. En priant chaque jour Allah que les « frappes chirurgicales » de l’Oncle Sam ne les transforment pas prématurément en pâtée pour chiens.

La recette du jour

Gosh-e-feel* à l’ambroisie yankee

Dans votre cuisine, qui est la plus grande du monde, vous avez breveté une pâtisserie banale, baptisée étouffe-chrétien par fausse complaisance à l’égard des mahométans. Pour protéger votre secret, renoncez à vos fourneaux et licenciez tous vos marmitons : en matière de science culinaire, on n’est jamais trahi que par les siens.

(*) Gâteau afghan traditionnel à la cardamome, constellé de pistaches et poudré de sucre fin

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