Surplus agricoles : (...)

Surplus agricoles : le problème résolu

Le rouge est une couleur qu’affectionnent les Espagnols. Pas seulement pour le drapeau, la corrida ou les finances publiques. Il y a aussi le rouge de la Tomatina en la bonne ville de Buñol : il s’agit d’une manifestation pittoresque née au milieu des années 40, interdite dix ans plus tard et rétablie dans les années 70. Avec un succès à la hauteur de son label de « fête d’intérêt touristique international ». Ladite fête a lieu le quatrième mercredi du mois d’août et consiste, pour les 40.000 participants, à se bombarder pendant une heure de tomates bien mûres. On avait cru jusqu’alors que le jet de tomates n’était jouissif pour le lanceur que dans le cas où la cible cherche à tout prix à éviter les projectiles. Ici, c’est le contraire : l’objectif de chacun est d’être sauce-tomaté de pied en cap. Mais ce simulacre guerrier ne présente pas d’autre danger que celui d’écœurer définitivement de la tomate espagnole les participants qui ne le sont pas déjà – elle est omniprésente sur les marchés où elle a supplanté sa soeur hollandaise, en ayant pourtant aussi peu de goût que cette dernière. Mais enfin, c’est une manne pour la municipalité locale, qui loue aux chaînes de télévision, et au prix du pistil de safran, les balcons de l’Hôtel de Ville d’où la vue sur l’orgie est, paraît-il, imprenable. C’est aussi une bonne affaire pour le commerce local, et pas seulement les blanchisseries. C’est sans doute une aubaine pour les producteurs de tomates, qui fourguent en un seul jour plus de 100 tonnes à proximité de leurs serres. Finalement, tout le monde est ravi, surtout ceux qui ne participent pas à ce pugilat un tantinet débile et passablement dégueu.

Mais au vu de son succès, l’idée mériterait d’être reprise par ceux des agriculteurs français qui sont régulièrement confrontés aux affres de la surproduction. On pourrait ainsi organiser des combats de cerise burlat dans un patelin du Vaucluse, au lieu de tenter, comme cette année, de nous les vendre à des tarifs usuraires ; des combats de mirabelles en Lorraine où se presseraient les Allemands revanchards ; des combats d’huîtres sur le bassin d’Arcachon, qui permettraient de démontrer qu’elles sont plus dangereuses quand on les lance que quand on les mange. Bref, il ne manque pas d’opportunités pour réguler les marchés. Et grâce à la fête d’Halloween, on échappe à la surproduction de citrouilles dont le jet, nécessairement réservé aux haltérophiles, serait retoqué par le Conseil constitutionnel.

La recette du jour

Légumes en bombarde

Vous avez tenté d’apprivoiser un jardin potager et les résultats sont lamentables. N’abandonnez pas votre production mais jetez à la tête des voisins vos tomates rachitiques, vos salades déplumées et vos carottes fermes comme de la loupe de noyer. Si les victimes se marrent au lieu de vous lyncher, achetez pour une poignée de quetsches 15 hectares de terres désolées, cultivez votre incompétence maraîchère et organisez chaque année un Afghanistan légumier.

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