Boulimie suicidaire

Boulimie suicidaire

L’aveuglement et l’outrance sont bien les marques caractéristiques des temps présents. Au plan politique, les exemples éclosent chaque jour. Hier, c’était la déclaration de l’Egyptien Moubarak qui, pour calmer son peuple exaspéré par ses trente ans de règne, s’engage à ne pas se représenter au prochain scrutin. Une promesse de retraite (il a 83 ans) en forme d’insulte grossière : son collègue tunisien Ben Ali avait usé de la même dialectique de bazar. Sous le conseil mal éclairé des chancelleries « amies », qui font la réclame de bons sentiments mais ne poursuivent qu’un seul but : protéger des intérêts épiciers. Les stratèges en politique étrangère se recrutent parmi les chefs de rayon des supermarchés. Ce sont les mêmes, du reste, qui pilotent désormais les grandes entreprises, avec une mission claire : permettre aux actionnaires de se goinfrer le plus vite possible, une part du festin leur étant accordée en leur qualité de maître d’hôtel.

Pfizer, le géant de la pharmacie, va fermer son site de Sandwich, en Angleterre, tout entier consacré à la recherche (2400 employés). Ce n’est pas que les chercheurs passent leur temps à jouer au golf ou à boulotter des en-cas jambon-beurre : cinq médicaments-phares de la firme sont issus de ce centre, dont le célébrissime Viagra. Mais voyez-vous, la recherche coûte cher et ses résultats ne peuvent pas se programmer comme une assemblée générale. En foi de quoi les « économies » réalisées seront affectées par Pfizer à l’achat… de ses propres actions (un programme de 5 milliards de dollars). Dans un monde sain d’esprit, la décision de sacrifier l’avenir de l’entreprise aurait incité les investisseurs à sanctionner le cours du titre. Et à conspuer son président. Que nenni : c’est exactement le contraire qui se produit. Ian Read n’est en poste que depuis deux mois. Mais sa feuille de route a été tracée : faire remonter le rendement de l’action. Tout de suite. A plus long terme, les actionnaires s’en tapent : ils ont lu Keynes et savent qu’ils seront tous morts. Comme Pfizer.

La recette du jour

Soufflé de blé en herbe

Vous êtes affligé d’un appétit insatiable. Ni la médecine ni la morale ne vous ayant guéri, commencez à boulotter vos jeunes plants de blé. Puis négligez de conserver des semences. Quand vos champs seront des déserts de caillasse, vous serez définitivement guéri de votre boulimie.

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