Chasse dans l'espace

Chasse dans l’espace

Vous ne pouvez pas vous rendre compte à quel point il est maintenant difficile d’établir un budget. Celui des Etats, s’entend. Partout il est nécessaire de faire des économies. De grosses économies. Les Etats-Unis, par exemple, doivent s’engager dans un plan de réduction des dépenses d’au moins 4.000 milliards. Bon, d’accord, en dix ans : chez l’Oncle Sam, on aime bien annoncer des objectifs à long terme, pour mieux faire n’importe quoi au quotidien. Mais enfin, ça fait quand même beaucoup de sous. Alors il faut sacrifier les dépenses somptuaires. La santé et l’éduction des citoyens impécunieux, pour commencer, ce qui est une décision salutaire : la connaissance développe l’esprit critique, donc la contestation ; les soins gratuits banalisent la maladie, donc favorisent la négligence hygiénique. Rien de très positif pour la société. Mais il faut aussi sacrifier des financements essentiels. Comme celui du SETI (Search for Extraterrestrial Intelligence), une organisation qui ausculte l’espace de ses radiotélescopes, afin de détecter les communications extraterrestres. Jusqu’à ce jour, le SETI a fait chou blanc ; il est désormais au pain sec et à l’eau. On ne saura donc jamais si nos télescopes sont sourds ou si les extraterrestres sont muets. Tant pis.

En revanche, c’est demain soir que la navette Endeavour va s’envoler, pour livrer son précieux chargement à la Station spatiale internationale. De quoi s’agit-il ? De AMS-02, figurez-vous, un bidule plus complexe encore qu’une déclaration de revenus, chargé d’une mission encore plus mystérieuse que l’usage fait de nos impôts. Sa vocation est de détecter de l’antimatière, dont l’existence reste jusqu’à ce jour aussi hypothétique que celle des extraterrestres. Seulement voilà : si l’on veut que la théorie du Big Bang tienne debout, il faut absolument démontrer l’existence des antiparticules, qui ont dû donner naissance à d’impalpables antimondes. Il suffirait d’en repérer une seule pour réjouir la communauté scientifique jusqu’à la fin des temps. Mais il faut pour cela aller sonder le vide sidéral, car lorsqu’une antiparticule rencontre une particule, elles ne se racontent pas des histoires d’atomes : ça fait pschitt et il ne reste rien de leur rencontre. Pas même le souvenir. Voilà pourquoi les mamans antimatières interdisent à leurs rejetons de traîner dans nos contrées. En foi de quoi peut-on parier un antiproton contre un cheval qu’AMS-2 reviendra bredouille de sa mission. Et pourtant, il faut bien qu’existe au moins un antimonde. Sans cela, comment expliquer où est passé le bon sens, dont notre planète est totalement dépourvue ?

La recette du jour

Expérience métaphysique

Vous êtes depuis toujours obsédé par l’énigme de la naissance de l’Univers. Pour obtenir une réponse, vous pouvez partir dans l’espace à la chasse d’une antiparticule. Mais c’est loin, c’est cher et peu gratifiant. Invitez plutôt à dîner un pro-nucléaire en fusion et un anti-nucléaire militant : leur rencontre fera pschitt. S’il ne reste rien d’autre que de la vaisselle cassée après leur collision, vous aurez validé la thèse du Big Bang. Et ainsi mérité le Nobel de la Paix.

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