Commerce et racolage

Commerce et racolage

Le commerce adoucit les mœurs, dit l’adage. Mais il exaspère parfois les bonnes mœurs, comme en témoigne le retour de la vieille querelle sur le commerce des charmes, que l’on croyait close depuis la fermeture des maisons. Bien que la galipette tarifée se soit poursuivie en tapinois depuis la prohibition. La société de l’information aurait, paraît-il, supplanté la société de consommation. En fait, il semblerait plutôt que les deux se soient accouplées, sans qu’une quelconque Marthe Richard soit venue dénoncer l’impudeur de la chose. Car aujourd’hui, le fin du fin du commerce électronique, c’est de pouvoir cibler avec précision le client, afin de l’aguicher avec le produit qui répond à ses attentes les plus secrètes. Une sorte de piège à la belle blonde, l’arme favorite de l’espionnage à la John Le Carré. Une technique qui perdure avec la surveillance irrégulière de la NSA, et avec les indiscrétions de concierge, parfaitement légales, des collecteurs de big data. Dont la machinerie sophistiquée scrute vos pérégrinations sur le web, repère vos centres d’intérêt, évalue votre pouvoir d’achat et vous sert directement la réclame susceptible de vous faire craquer. Du racolage qualifié, en quelque sorte.

Pour avoir développé avec succès cette collecte de potins, et ainsi pouvoir faire chanter le pékin à l’insu de son plein gré, une start-up française vient de décrocher le passeport de la réussite : son entrée au Nasdaq. Criteo a été introduite hier, avec un timing opportun : le marché est en grande forme et très demandeur d’« entreprises de croissance », qu’il accepte de payer au prix du beluga. Six fois le chiffre d’affaires, deux cents fois le bénéfice, ce qui donne une capitalisation initiale d’environ 1,7 milliard de dollars. Selon les milieux professionnels, c’est au moins le double de ce qu’aurait payé la place parisienne, qui est un peu plus pingre dans la valorisation de l’optimisme béat. Ce qui n’enlève rien au talent des créateurs de Criteo, bien entendu, ni ne déprécie le potentiel de leur système publicitaire. Il y aurait pourtant une méthode efficace, bien que rustique, pour booster les ventes. Si l’on en croit ce journaliste britannique, spécialisé dans la bimbeloterie de luxe, il suffirait d’afficher un panneau « soldes » pour déclencher un réflexe pavlovien d’achat compulsif. Les soldes seraient une sorte de drogue moderne qui excite la production de dopamine, puis d’adrénaline – responsable des « comportements à risque ». Le même effet que la belle blonde, qui coûte pourtant toujours plus cher que le prix indiqué.

La recette du jour

Bromure en solde

Vous ne comprenez pas pourquoi vos fins de mois sont aussi miséreuses, bien que vos revenus soient confortables. C’est sans doute que vous ne pouvez pas résister à la tentation d’une bonne affaire. Dès que vous serez sollicité, avalez illico un gorgeon de bromure. Son efficacité est prouvée contre l’érection des déficits bancaires.

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