De la démocratie en (...)

De la démocratie en Amérique

Nous autres Français avons (presque) inventé les Droits de l’Homme, théorisé (presque) les premiers le principe de la séparation des pouvoirs, de la souveraineté nationale, de la liberté individuelle et de la poule au pot tous les dimanches. C’est dire si nous en connaissons un rayon en matière de démocratie élective. Pourtant, sur ce terrain, l’excellence continue d’être revendiquée par le modèle indépassable de la société étasunienne. Capable de détecter le Mal avant qu’il n’accomplisse ses basses œuvres, que ce soit à l’étranger – par l’agression militaire des dirigeants suspects de pensées impures – ou sur son propre sol – par le flicage préventif de tout individu soumis à la tentation de mettre en doute la pertinence du discours dominant. Ce pourquoi les gardiens de l’ordre moral n’hésitent pas à espionner les journalistes frappés par la vérole de l’esprit critique, ou à organiser le harcèlement fiscal des opposants politiques. Contrairement à la pratique courante sous nos latitudes, où la machine administrative détourne pudiquement les yeux des exactions fiscales du ministre de l’Impôt. Heureusement, notre démocratie sait qu’elle peut mieux faire, et s’emploie à suivre la voie de la perfection tracée par l’Oncle Sam.

Il était temps. Car la séparation des pouvoirs, ça coûte chaud. Et une bonne démocratie repose sur la bienveillance souveraine à l’égard du contribuable. En foi de quoi, nécessité faisant loi, les States ont-ils opportunément fermé des écoles, saqué des cohortes de policiers et contraint les juges à la parcimonie : ces derniers vous envoient derechef le prévenu au trou, juste après l’ouverture de l’audience. Basta. Quant aux policiers, ils s’emploient à minimiser le coût faramineux de la procédure aux Etats-Unis. Comme le montre l’affaire de l’attentat de Boston : les suspects ont été mitraillés à titre préventif, laissant ainsi au FBI le loisir de rédiger tranquillement leurs aveux circonstanciés. Et pour nettoyer le foyer de vermine avant que l’infection ne se propage, quiconque a approché les suspects, de près ou de loin, est « interrogé » nuitamment et promptement abattu avant d’avoir pu clamer son innocence – et ainsi faire perdre leur temps aux enquêteurs. Une bonne démocratie repose sur le dogme irréfragable de la compétitivité. Lequel se traduit, en termes de justice, par cet adage fondateur de la culture américaine : « Pendre d’abord, juger ensuite ». Juger si on en a le temps. Et les moyens de payer le procès. C’est ça le business démocratique, coco.

La recette du jour

Au nom de la loi

Vous avez opportunément conseillé à votre progéniture d’embrasser des études de droit. C’est une bonne idée : le droit est devenu la première industrie des pays développés. Mais découragez les enfants de devenir magistrat ou avocat : il n’y a pas d’avenir. Qu’ils apprennent plutôt l’anglais et le métier de tueur à gages : leur carrière est assurée. Au FBI.

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